Une couverture sociale ultra protectrice
Avec la Caisse de Compensation des Services Sociaux, Monaco peut se targuer d’avoir un régime de protection sociale florissant. Parmi ses spécificités : il est financé uniquement par les employeurs.
Du chaos nait parfois la lumière… C’est ainsi que la Caisse de Compensation des Services Sociaux (CCSS), pilier de la protection sociale monégasque, fut créée dès la fin de la seconde guerre mondiale. A peine libérée du joug des Allemands le 3 septembre 1944, la Principauté instaurait ainsi, avant la France, une couverture des risques santé, vieillesse-survie et famille, avec l’Ordonnance-Loi du 27 septembre. Monaco adoptant alors un système clairement inspiré de la sécurité sociale obligatoire française pour l’ensemble des travailleurs élaborée par le Conseil National de la Résistance (CNR), soit l’organe qui, dès 1943, fédérait l’ensemble des mouvements de résistance hostile au gouvernement de Vichy et qui avait concocté un programme politique pour la France libérée. A l’époque la Confédération générale des travailleurs de Monaco, qui deviendra plus tard l’Union des syndicats, avait milité pour ce système de compensation, selon lequel « la demande sociale doit être compensée par la cotisation sociale que paie l’employeur ».
Un taux de remboursement de 80 %
Financée uniquement par des cotisations patronales, la CCSS assure les revenus de substitution en cas de maladie, maternité, invalidité et décès, ainsi que les remboursements de frais médicaux et les prestations à caractère familial. Soit de nos jours, les allocations prénatales et familiales, la prime de scolarité, l’allocation exceptionnelle de rentrée, la prime de fin d’année, ou encore les bons de crèche et de garderie… « Ces prestations sont allouées pour certaines, sans condition de ressources à la différence de la France, s’agissant des allocations familiales », rappelle le Directeur de la CCSS, Bertrand Crovetto. « Monaco est l’un des seuls pays au monde où le salarié ne paye aucune cotisation de sécurité sociale, la compensation étant à la charge de l’employeur. Cela augmente d’autant le salaire net », commentent Cédrick Lanary et Jean-Luc Cloupet, Président et Président d’honneur de la Fédération des Syndicats de Monaco (F2SM), conscients des avantages du régime : « Les allocations familiales sont accordées dès le premier enfant et sont proportionnelles aux besoins évoluant en fonction de l’âge de l’enfant. Au niveau de la couverture médicale, les soins sur les yeux et les implants dentaires sont bien mieux remboursés qu’en France. Il en découle que la mutuelle coûtera moins cher au salarié puisqu’elle procède à moins de remboursements… »
Techniquement, l’ensemble des salariés bénéficie d’une couverture sociale calculée en fonction de ses revenus : « Notre dispositif conventionnel interdit ou limite étroitement les possibilités de dépassement tarifaire pour 75 % de la population assurée, et garantit ainsi véritablement un libre et égal accès à toutes les structures de soin. Il est prévu dans la nouvelle Convention médicale d’avril 2023 que 50 % des assurés bénéficient de la carte verte de sécurité sociale (tarifs conventionnels), 25 % de la carte rose (tarifs supérieurs de 20 % au conventionnel), et 25 % de la carte bulle (honoraires libres). L’ensemble des médicaments sont remboursés à 80 voire 100 % quand il y a exonération du ticket modérateur », ajoute-t-on aux caisses sociales. Seul hic : les caisses sociales monégasques ne pratiquent généralement pas le tiers payant. Mais si la France est hantée par le trou béant de la sécurité sociale, à Monaco pas besoin d’appliquer les mêmes restrictions que dans l’Hexagone pour économiser les dépenses de santé. Si les médicaments totalement déremboursés en France le sont également à Monaco, qui n’a pas sa nomenclature propre, en revanche, les déremboursements partiels sous forme de baisse de taux ne sont pas transposés ici.
Pour l’Union des syndicats, la CCSS pourrait néanmoins aller plus loin. « Certes, la couverture médicale et les remboursements sont plus importants que dans le pays voisin, mais n’oublions pas que pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’habiter Monaco, la couverture sociale monégasque prendra fin avec leur départ à la retraite. Ces salariés habitant en dehors de Monaco seront alors dirigés vers la Caisse Primaire d’Assurance Maladie Française… Au moment où ils en auront le plus besoin c’est-à-dire a moment où les problèmes de santé commencent en moyenne chez l’être humain (55 à 70 ans) », expliquent Olivier Cardot et Bruno Augé, qui rêvent de voir éclore à Monaco « une couverture sociale à 100% pour toutes et tous sans condition de résidence ».
Baisse du taux de compensation
Reste qu’aujourd’hui, le régime est florissant. 69 000 assurés se gèrent plus facilement que des millions. Au-delà de la loi du nombre, le contrôle des fraudes fonctionne à plein régime. « Le contrôle médical est bien structuré dans la maîtrise médicalisée avec des contrôles d’arrêt de travail. Et contrairement à la France, nous avons maintenu un contrôle effectif de la totalité des ententes préalables et des arrêts de travail. Nous nous sommes donnés les moyens avec un service fortement structuré et cinq médecins conseils et un dentiste-conseil. Ce qui a un effet dissuasif par rapport à certains types de comportements », explique Bertrand Crovetto. Le régime fonctionne si bien que la cotisation patronale devrait même encore baisser. « Pour le prochain exercice, la direction des caisses prévoit de baisser de 1% le taux de compensation qui passerait de 13,6% à 12,6%, ainsi qu’une baisse de 0,60 à 0,55 % du taux de cotisation affecté au fonds social. Pour mémoire une baisse de 1% du taux de compensation représente 25,4 millions d’euros », s’étonnent Olivier Cardot et Bruno Augé selon qui « avec la baisse successive du taux de compensation depuis 20 ans qui est aujourd’hui à son taux le plus bas historiquement, c’est plus de 180 millions de cotisations que les salariés ont perdu. »
Et pour les Italiens ?
Comme la convention de sécurité sociale entre la France et Monaco de 1952, révisée à 4 reprises, précise la situation des ressortissants monégasques recevant des soins en France ou des ressortissants français recevant des soins à Monaco, la convention italo-monégasque a pour objet de maintenir et coordonner la protection sociale des ressortissants, en activité ou retraités, de l’un des États lorsqu’ils résident sur le territoire de l’autre État. Mais « en 2022, une profonde réforme a impacté l’application de la convention. L’Italie s’est substituée à Monaco pour le versement des prestations », explique Bertrand Crovetto. Depuis le 1er mars 2022, le salarié de nationalité italienne ou monégasque ayant des enfants à charge et résidant en Italie reçoit ainsi une allocation unique et universelle appelée l’assegno unico ocroyée à partir du 7e mois de grossesse jusqu’au 21e anniversaire de l’enfant. L’allocation est versée par l’Institut national de sécurité sociale du lieu de résidence.
La CCSS en chiffres
- Au global, les actes, les remboursements des journées d’hospitalisation, des honoraires, des médicaments etc. représentent 160 millions d’euros en 2022/23.
- Toutes les prestations à caractère familial, les indemnités journalières maladie, invalidité et le capital décès, les congés maternité/paternité, représentent 125 millions d’euros
- Les allocations familiales sont dues pour chaque enfant à charge. Le montant mensuel est de 158,40 euros (0-3 ans) à 332,70 euros (+de 10 ans).
- L’allocation de rentrée va de 145 euros (0-3 ans) à 304 euros (+ de 10 ans)
- Chaque mois de grossesse, précédant la date présumée d’accouchement qui figure sur le carnet de maternité, ouvre droit à une mensualité d’allocations prénatales. Son montant est égal à celui des allocations familiales servies pour un enfant âgé de moins de trois ans, soit 158,40 €.
- La prime de scolarité est servie pour les enfants âgés de 5 ans ou plus au 31 décembre. Son montant varie en fonction de la classe fréquentée et du lieu de scolarité. Par exemple, pour une classe 12ème de maternelle, la prime est de 75 euros à Monaco, 41 euros en France. En terminale, elle est de 359 euros quel que soit le lieu de scolarité.
- En cas d’arrêt de travail, le montant de l’indemnité journalière est égal à 50 % du salaire brut moyen perçu par le travailleur au cours des 12 mois précédant, dans la limite du salaire sur lequel les cotisations ont été versées. Il ne peut toutefois être supérieur à la moitié du plafond de cotisation à la CCSS ramené sur une base journalière à 151,67 € depuis le 1er octobre 2022.
Miléna Radoman