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Jean Castellini ou la relance keynésienne

Il est resté presque 11 ans à la tête des finances de l’État et « y a sans doute battu un record de longévité ». Parmi les grands dossiers que Jean Castellini a dû gérer : la crise du Covid et le plan de relance de l’économie qui en a découlé.

Il y a parfois de curieux hasards de la vie. Issu du privé, Jean Castellini était entré au Gouvernement en 2012, après avoir intégré le Cabinet Princier et piloté la Commission de Contrôle et des Activités Financières (CCAF) aux côtés de Christian de Boissieu. Il remplaçait alors Marco Piccinini au poste de Conseiller de Gouvernement pour les finances. Quasiment onze ans après, c’est son prédécesseur qui vient lui succéder place de la Visitation… Juste après la trêve estivale, un communiqué du Palais Princier est tombé pour annoncer ce changement à la tête du département des finances et rendre « hommage aux nombreuses actions menées depuis près de 18 ans » au service du Prince tout comme à la « loyauté » du Monégasque.

Au cours de ces 18 ans dans les instances de pouvoir, Jean Castellini a connu des mutations profondes, notamment avec l’avènement de la transparence fiscale comme credo international. Monaco a dû suivre cette révolution que représente l’échange automatique de renseignements – soit la transmission systématique et périodique d’informations sur les revenus au pays de résidence ayant pour but de lutter contre l’évasion fiscale -, tout comme le plan de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting ou BEPS en anglais). Offshorisation de la place financière, évaluation de Moneyval, le groupe anti-blanchiment du Conseil de l’Europe, transformation du SICCFIN en autorité indépendante, stratégie verte du Fonds de Réserve Constitutionnel… Pendant les 10 dernières années comme grand argentier de l’Etat, les chantiers n’ont guère manqué. Mais il y en a un qui restera sans aucun doute gravé dans la mémoire de l’ancien Conseiller-Ministre des Finances.

Un plan de relance en quatre couleurs

Mars 2020 : la planète est à l’arrêt en raison d’un étrange virus qui contraint les citoyens du monde entier au confinement pour éviter toute contamination. Comment oublier la gestion de cette crise sanitaire, qui imposa de réagir à vitesse grand V au sommet de l’État ? L’épidémie de Coronavirus obligeait l’État monégasque à réviser son budget et à entériner une enveloppe de 350 millions d’euros dévolue aux mesures économiques et sociales aux entreprises comme le chômage total temporaire renforcé (CCTR), les exonérations partielles de charges employeurs, le gel des loyers pour les commerces situés dans les domaines… Jean Castellini était alors sur le front aux différentes étapes de la crise: « On a travaillé en équipe, pour cibler au mieux les besoins et calibrer les dispositifs (revenu minimum extraordinaire, aide aux sociétés, commission d’accompagnement de la relance économique (CARE) pour les professions particulièrement touchées). Tous les secteurs de l’économie ont été aidés, avec des aides à court ou moyen terme. Le taux de faillite est quasi nul. »

En septembre 2020, l’Etat monégasque lançait un « plan keynésien », selon les termes de l’ancien Conseiller Ministre. Après avoir perfusé l’économie monégasque impactée par la crise sanitaire, « le plan de relance poursuivait deux objectifs : soutenir durablement les acteurs économiques sur le moyen et long terme (relance par l’investissement) tout en injectant directement de l’argent public dans l’économie locale à plus court terme (relance par la consommation). »  

Le Fonds Bleu est devenu structurel

Le Gouvernement misait alors sur quatre Fonds pour relancer la consommation et investir pour l’avenir : le Fonds Vert national, consacré à la transition énergétique, le Fonds Bleu, dédié au numérique, le Fonds Blanc, pour soutenir la construction et la rénovation du bâti en Principauté, et enfin le Fonds Rouge et Blanc, destiné à orienter la consommation vers les commerçants et artisans de Monaco. « Au final, le Fonds Bleu est le seul fonds créé, à être maintenu et à devenir structurel, analyse Jean Castellini. C’est un soutien aux entreprises numériques monégasques puisque 80 à 85% des aides leur reviennent. Il crée de l’emploi et des revenus pour l’État via l’impôt sur les sociétés. » Une enquête de l’IMSEE est en cours pour évaluer les revenus générés par la TVA notamment. En plus des 20 millions d’euros engagés à la fin 2022, 11 millions d’euros étaient inscrits en 2023. Une enveloppe similaire devrait être prévue au BP2024.

S’agissant du Fonds Vert, les 25 millions d’euros ont été dépensés avec des travaux destinés à optimiser la performance énergétique (15,1 millions d’euros dont près de 9,7 millions pour les boucles thalassothermiques), les surprimes d’acquisitions de véhicules électriques (8,6 millions d’euros). Les fonds conjoncturels, eux, ont rempli leur mission. In fine, le Blanc a surtout servi à des travaux d’amélioration des bâtiments publics (académie de musique, maison d’arrêt) et du parc domanial (3,8 millions d’euros). Le Fonds Rouge et Blanc aura, lui, surtout permis de faire éclore Carlo, l’application de cashback et de paiement monégasque qui a remporté un vif succès. L’État prend en charge la quasi-totalité des frais de plateforme (9,6% par transaction) jusqu’au 31 mars 2024. Les 1 % restants qui correspondent aux frais bancaires, étant désormais pris en charge par les commerçants partenaires. « Les aides telles qu’elles ont été calibrées ont rempli leur rôle. On n’a pas manqué à notre devoir », souffle l’ancien conseiller-ministre.

Miléna Radoman

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