Les prévisions de recul de l’inflation et les niveaux élevés de coupons absolus créent un contexte particulièrement propice pour les investisseurs en obligations, avec à la clé un potentiel de performance modérée en 2023.
Les marchés obligataires ayant clôturé l’année 2022 sur les plus fortes pertes observées en cinquante ans, les obligations américaines ont dû abandonner la performance totale qu’elles avaient engrangée depuis 2017, et elles ont vu une inversion des baisses de rendement survenues depuis l’éclatement de la crise financière mondiale de 2008.
Cependant, le resserrement monétaire américain qui a provoqué le mouvement baissier sur le marché obligataire en 2022 n’a fait qu’entraîner les anticipations d’inflation vers le haut de la fourchette prépandémie, ce qui suggère que les politiques pourraient rester fermes pour lutter contre l’inflation jusqu’à ce que les attentes retombent en dessous de l’objectif de la Réserve fédérale américaine (Fed) de 2-2,5%.
Le point positif à noter est que la forte remontée des rendements des bons du Trésor en 2022 laisse les rendements à 5 ans ajustés des prévisions d’inflation proches de l’extrémité supérieure de leur fourchette d’avant la crise financière de 2008. Ceci indique que l’on devrait commencer à voir apparaître en 2023 de réelles opportunités pour se désengager des obligations à taux variable de court terme et ainsi se réorienter vers les obligations de plus long terme, lorsque les rendements des bons du Trésor à 5 ans et à 10 ans se situeront entre 4% et 4,5%.
Pour les investisseurs en euro, la Banque centrale européenne (BCE) devra veiller à ajuster sa politique de resserrement face au risque de récession, avec notamment des taux du Bund allemand qui seraient maintenus à des niveaux élevés, proches de 2-2,5% jusqu’à ce que l’inflation diminue significativement.
Alors que le risque de taux d’intérêt a constitué le principal obstacle à la performance en 2022, le risque le plus important en 2023 devrait provenir de la détérioration de la qualité de crédit et de l’élargissement des spreads. En effet, historiquement, la dégradation de la qualité de crédit s’est accentuée durant trois à quatre trimestres à la suite de la première hausse de taux de la Fed, et les investisseurs devraient donc s’attendre à ce même type de scénario pour l’année à venir.
Rappelons cependant que les faibles coupons générés par les bons du Trésor américain et la dette d’entreprise (‘corporate’) américaine sur les dix dernières années – et qui ont apporté une modeste protection face à la détérioration de la qualité de crédit – ont conduit à des rendements à leurs plus hauts depuis 2006-2007. Ainsi, une stratégie de crédit en USD centrée sur la qualité des émetteurs et détenant les titres jusqu’à l’échéance devrait présenter des opportunités attrayantes ces prochains mois, à l’heure où le marché tend à se focaliser désormais sur les risques de récession, plutôt que sur l’inflation.
Des opportunités pourraient par ailleurs se dessiner sur les segments plus risqués des marchés du crédit, les rendements les plus élevés dépassant les 10% en cette fin d’année 2022. Toutefois, vu que les spreads se situent seulement près de leurs moyennes historiques, nous souhaiterions que les obligations risquées puissent mieux intégrer dans les cours un cycle de défaut à venir, afin de voir l’équilibre risque-rendement s’orienter plus nettement en faveur des investisseurs.
Alors que la stabilisation des rendements du Bund allemand et des spreads – lesquels sont proches de leurs niveaux de 2020 – devrait normalement créer des opportunités pour les investisseurs en ‘euro bonds’, la zone euro est confrontée à de réels défis structurels. A noter parmi eux un nouveau régime marqué par des coûts d’énergie élevés ainsi que la dépendance des entreprises et des ménages vis-à-vis des aides financières, pour cet hiver au moins et probablement au-delà. Ceci fait donc peser le risque d’une vague de défauts (‘tail risk’) qui pourrait être plus que cyclique par nature.
En conséquence, une approche de sélection de crédit proactive – vecteur de performance majeur en périodes de ralentissement conjoncturel normal – sera encore plus déterminante en 2023 dans la zone euro à l’heure où celle-ci opère sa propre transformation. Les investisseurs capables de s’engager sur une perspective de moyen terme peuvent considérer le segment du crédit ‘distressed’ pour chercher à tirer parti des défis potentiels liés à un tel cycle de crédit.