Blockchain, bitcoin, cryptomonnaies, NFT… Dans le champ lexical du Web3, il est parfois difficile de s’y retrouver. Voici les réponses aux questions que vous pouvez vous poser.
La blockchain : c’est quoi ?
Développée à partir de 2008, la blockchain, ou chaîne de blocs, est un type de technologie de registres distribués (TRD), qui a boosté la curiosité du grand public (attention, la loi monégasque parle d’ailleurs de TRD plutôt que de blockchain)…
En clair, c’est une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre. Le mathématicien Jean-Paul Delahaye donne l’image d’ « un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible ».
Le bitcoin est le cas d’usage le plus connu de la blockchain. Il a été créé en 2008 par un inconnu dont le pseudonyme est Satoshi Nakamoto. Mais au-delà des cryptomonnaies, la technologie TRD peut aussi être utilisée pour des smart contacts, des titres fonciers ou des diplômes, pour garantir l’authenticité des actes. Au Honduras, où la moitié des terres ne sont pas enregistrées officiellement dans la base de données du pays, a été développé un registre foncier sécuritaire reposant sur la blockchain.
La blockchain : comment ça marche ?
En pratique, une blockchain est une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. La Banque de France en explique les principales caractéristiques :
- l’identification de chaque partie s’effectue par un procédé cryptographique
- la transaction est envoyée à un réseau (ou « nœud » de stockage) d’ordinateurs situés dans le monde entier
- chaque « nœud » héberge une copie de la base de données dans lequel est inscrit l’historique des transactions effectuées. Toutes les parties prenantes peuvent y accéder simultanément
- le système de sécurisation repose sur un mécanisme de consensus de tous les « nœuds » à chaque ajout d’informations. Les données sont déchiffrées et authentifiées par des « centres de données » ou « mineurs ». La transaction ainsi validée est ajoutée dans la base sous forme d’un bloc de données chiffrées (c’est le « block » dans blockchain); les mineurs sont récompensés pour leur travail par des cryptomonnaies.
- la décentralisation de la gestion de la sécurité empêche la falsification des transactions. Chaque nouveau bloc ajouté à la blockchain est lié au précédent et une copie est transmise à tous les « nœuds » du réseau. L’intégration est chronologique, indélébile et infalsifiable (source Bercy).
Qu’est-ce qu’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC)?
Une monnaie numérique est proposée et émise par la banque centrale d’un pays souverain. Bien qu’elle utilise la technologie blockchain, elle est émise par l’État comme une forme centralisée de monnaie numérique. Ce qui la différencie donc des cryptomonnaies… Aujourd’hui, 90% des banques centrales réfléchissent à créer leur propre monnaie numérique. Des monnaies numériques de banques centrales (MNBC, ou CBDC en anglais) ont déjà été lancées au Nigeria et dans les pays des Caraïbes. Par exemple, il est actuellement possible de détenir du Sand Dollar aux Bahamas ou du eNaira au Nigeria, chacune émise et réglementée par la banque centrale du pays. Les banques centrales des États-Unis, de Chine et d’Europe y travaillent également. La BCE vise une mise en place d’ici à 2027. Sur son site internet, l’institution indique que l’euro numérique se présenterait littéralement « comme les billets en euros, mais [en version] numérique. Il « s’agirait d’une monnaie électronique, émise par l’Eurosystème (la BCE et les banques centrales nationales de la zone euro), et accessible à tous les citoyens et entreprises. »
Que peut-on écrire dans ces fameux registres (TRD) ?
Les TRD (blockchain pour le grand public) englobent les actifs financiers virtuels (ou cryptomonnaies), les NFT, les jetons d’usage et les jetons financiers.
Selon l’Autorité des marchés financiers (AMF), une cryptomonnaie ou un cryptoactif désigne « des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté ».
Les cryptomonnaies sont créées par une communauté d’internautes, également appelés « mineurs » à partir d’un algorithme qui génère des « jetons » (ou tokens, en anglais) qui sont ensuite alloués à chaque « mineur » en récompense de sa participation au fonctionnement du système. Une fois créés, ces jetons sont stockés dans un coffre-fort électronique enregistré sur l’ordinateur, la tablette ou le portable de l’utilisateur, voire à distance (par exemple dans le cloud). Il est ensuite possible de les transférer via internet et de façon anonyme entre les membres de la communauté.
Selon la loi monégasque, un « cryptoactif » est la représentation sous une forme numérique d’un bien ou d’un droit de nature patrimoniale, comprenant notamment les actifs numériques et les jetons financiers. Un actif financier virtuel est un cryptoactif. Il est défini comme « la représentation d’une valeur qui n’est pas émis ou garantie par une banque centrale ou par l’État, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par les personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».
Quelles sont les différentes formes de jetons?
La loi monégasque définit le « jeton » comme un bien incorporel représentant sous un format numérique, un ou plusieurs droits, biens ou services, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’une technologie de registres distribués et qui permet d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien.
- Un jeton d’usage (ou utility token) est un jeton représentant un droit d’usage sur des biens, des produits ou des services. Les jetons d’usage représentent des droits émis par une entreprise qui a procédé à une offre de jeton (Initial Coin Offering – ICO). Les « offres de jetons » sont des formes de levée de fonds réalisées par des personnes morales au moyen d’un dispositif d’enregistrement numérique sur un registre partagé, tel qu’une Blockchain. L’investisseur reçoit des « jetons » en échange des fonds qu’il a investis. Ils peuvent donner droit à un essai gratuit d’un nouveau produit, à la première d’un spectacle, à acquérir en priorité un produit ou à bénéficier d’un service exclusif ou à un meilleur coût…
- Un jeton financier (ou Security token) présente les caractéristiques des instruments financiers traditionnels. Lors d’une Security Token Offering, la société qui souhaite procéder à une levée de fonds va émettre des jetons financiers. Les titres sont proposés aux investisseurs. Ces derniers souscrivent aux titres en contrepartie de la remise des fonds. La STO est assimilable à une offre initiale de jetons. Les jetons financiers sont émis pour la première fois sur un marché. L’échange de jetons financiers se fera ensuite sur un marché secondaire. Le fonctionnement est semblable à celui du marché boursier classique. La STO donne droit à une contrepartie financière au même titre que les dividendes d’actions.
- Un « jeton non fongible » (soit en anglais non-fungible token) est un jeton unique et non interchangeable représentant sous un format numérique un droit attaché à un bien. Dans le langage courant, une chose est dite fongible si elle peut être remplacée par quelque chose de même nature, de même qualité et de même quantité, comme l’argent par exemple… Le premier NFT a été créé en 2014 et les NFT ont pris de l’ampleur à partir de 2017, avec la plateforme Ethereum où les projets CrytoPunks et CryptoKitties (utilisant des NFT) sont nés. En 2021, l’œuvre Everydays – The First 5 000 Days, par l’artiste Mike Winkelmann, alias Beeple, s’est vendu 69,3 millions de dollars. C’est à ce jour l’œuvre d’art numérique la plus chère de l’histoire.
C’est quoi un prestataire de service numérique (PSAN)?
Comme en France, la prestation de services en lien avec les actifs numériques fait l’objet d’une régulation et d’un agrément depuis la loi 995 votée le 30 juin 2022.
Le Ministre d’Etat doit donner un agrément préalable aux acteurs souhaitant procéder à l’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques; l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques ; l’échange d’actifs numériques contre de la monnaie ayant cours légal; l’émission de cryptoactifs; la conservation ou l’administration de cryptoactifs ou d’accès à des cryptoactifs, le cas échéant sous la forme de clés privées, en vue de détenir, stocker et transférer des cryptoactifs; l’exploitation d’une plateforme d’affichage d’intérêts acheteurs et vendeurs de cryptoactifs.
La Commission de contrôle des activités financières (CCAF) doit, elle, accorder son agrément pour les activités portant sur des jetons financiers, à savoir le placement de cryptoactifs ; l’exécution d’ordres sur cryptoactifs ; la réception et la transmission d’ordres sur cryptoactifs ; le conseil en cryptoactifs.
Milena RADOMAN