Avec des taux d’intérêt qui se sont envolés depuis 2022 et donc, des conditions d’emprunt devenues bien plus lourdes, la position des pays surendettés de la zone euro apparaît très fragilisée.
Ils sont désormais de plus en plus nombreux les observateurs à prévoir que les « cigales » méditerranéennes (avec l’Italie et la France, au premier rang : pays dont la dette souveraine culmine à 140% du Produit National Brut pour le premier et 110% pour second) ne peuvent plus continuer à chanter impunément et qu’il est largement temps pour eux de mettre, drastiquement et sans délai supplémentaire, de l’ordre dans leur compte. Avec ce que cela implique de coupes profondes dans les différents postes budgétaires, y compris ceux relatifs à l’action sociale et à la préservation de l’environnement, sans exclure même d’éventuels accroissements de la pression fiscale pour augmenter les capacités de désendettement.
Et tant pis si, en conséquence, les économies des états concernés s’étouffent et que le chômage monte parmi les populations : pour ces experts prévisionnistes, le sauvetage de la monnaie unique, l’euro, est à ce prix, et à celui-là uniquement.
Des obligations européennes sur du très long terme
Telle n’est pas du tout l’opinion de Paolo Di Gaeta, spécialiste des questions de finance internationale. « Augmenter les prélèvements fiscaux c’est automatiquement provoquer une baisse de la consommation et une chute globale de l’activité : c’est une récession assurée. Un phénomène funeste dont on sait quand il commence mais dont on ne sait jamais quand on va en sortir. Il y a évidemment, et heureusement, un autre moyen de redonner du souffle aux comptes publics tout en préservant la capacité d’investissement des entreprises. Cette possibilité, ce sont les « Covered bonds ». C’est-à-dire des d’emprunts obligataires sur du très long terme, un siècle, lancés par l’autorité européenne (Commission et Parlement) et dont, outre les intérêts, le remboursement du principal est garanti par un amortissement de 1% annuel pendant toute la durée du prêt. En outre, pour rassurer encore davantage les marchés boursiers et les préteurs, l’utilisation des fonds ainsi levés est bien spécifiée à l’avance et doit profiter au bien être à long terme du pays emprunteur : extension ou lancement de secteurs d’activité synonyme de créations d’emplois, recherches sur les nouvelles sources d’énergie non fossiles, intelligence artificielle, télécommunication, informatique, santé et, évidemment financement d’actions en faveur de l’environnement et de la lutte contre le réchauffements climatique ».
Une question de volonté politique
Est-ce une vue de l’esprit ces « covered bonds », une utopie trop belle pour être crédible ?
La remarque fait doucement sourire Paolo Di Gaeta. « C’est pourtant tout simplement ce qui a été fait pendant la Pandémie. De fait, c’est ainsi que l’autorité européenne a pu lever les fonds nécessaires à l’acquisition de quantités massives de vaccins contre la Covid pour permettre aux populations de se protéger.
Il est nécessaire que désormais cette volonté politique d’unir les ressources européennes au nom d’un destin commun prospère dans la conscience de tous les dirigeants des pays membres du l’UE. Qu’il s’agisse des responsables d’un pays aux finances solides ou de ceux d’un état dont la trésorerie est en berne. La santé financière de l’Allemagne ne résisterait pas longtemps à la défaillance profonde de la France ou de l’Italie puisque ceux-ci figurent parmi ses meilleurs clients.
Cela étant, il ne faut plus que la classe politique tarde en chemin. De fait, eu égard à la longueur des procédures de mises en œuvre (législatives, bancaires), il faut compter deux ans pour voir aboutir un lancement de «covered bonds» européens: nous en avons fait l’expérience, c’est le délai que cela a demandé pour lancer l’emprunt fléché vers l’achat de vaccins contre la Covid.
Il n’y a donc pas de temps à perdre si l’on ne veut pas être confronté au recours à de vieilles recettes empoisonnées pour combler certains déficits étatiques. Ce fut malheureusement ce genre de remède qui a été appliqué à la Grèce en 2010 ».
Avec pour conséquences de provoquer un bond en arrière pour l’économie de ce pays, un appauvrissement profond des classes les plus fragiles de sa population et un vaste mouvement d’émigration, notamment parmi les jeunes diplômés.