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Monaco sur la liste grise du GAFI : une sortie en janvier 2026 ?

Le 28 juin, Monaco a été placé sur la liste grise du GAFI, identifiant « les juridictions soumises à une surveillance renforcée ». L’objectif est d’en sortir au plus vite, pour limiter les conséquences sur l’économie du pays.

« On fera tout ce qu’il faut pendant ces dix-huit prochains mois pour en sortir… » a martelé le Ministre d’État Pierre Dartout, après l’annonce de l’entrée de Monaco sur la liste grise du GAFI. Le 28 juin, l’organisation internationale anti-blanchiment a en effet annoncé les nouveaux pays sous surveillance renforcée. Sur cette liste, Monaco côtoie désormais le Venezuela, le Nigéria ou encore la Syrie… « Il y a des pays assez peu fréquentables mais également la Croatie et la Bulgarie. Le fait de passer en surveillance renforcée n’est pas exceptionnel », relativise le Chef du Gouvernement, rappelant que « la déclaration du GAFI souligne, ce qui est très rare, les progrès significatifs qui ont été accomplis. » Un avis partagé par le Conseiller de Gouvernement Ministre pour l’Économie et les Finances, Pierre-André Chiappori, qui a défendu le dossier monégasque à Singapour avec son prédécesseur Marco Piccinini.  « Depuis six ans, une quarantaine de pays se sont retrouvés en liste grise et seulement deux fois l’expression progrès significatifs a été employée dans les déclarations du GAFI. Il faut lire entre les lignes, comme toujours en diplomatie… » lâche le Ministre des Finances.

Pas de miracle

Au final, l’inscription de Monaco sur la fameuse liste grise du GAFI n’est guère une surprise compte tenu des derniers épisodes. En décembre 2022, l’organe régional Moneyval, agissant comme un juge d’instruction selon la formule de Pierre-André Chiappori, avait déjà publié un rapport d’évaluation mutuelle (REM) corrosif, épinglant les lacunes de la Principauté en termes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. « Il est possible qu’il y ait eu, de notre part, un certain optimisme, avec l’idée que Monaco n’a jamais été un endroit où le blanchiment avait lieu à grande échelle. On a peut-être eu l’impression que ces problèmes concernaient moins Monaco que d’autres pays », a expliqué le Ministre, plaidant « coupable collectivement » même s’il n’est arrivé au gouvernement que 3 mois avant la sentence du GAFI. « Ce qui pouvait paraître acceptable il y a 10 ou 15 ans ne l’est plus. Monaco doit s’adapter », note Pierre Dartout, rappelant que Monaco est un petit pays aux effectifs forcément limités.

Un impact sur la croissance limité ?

« Monaco n’a jamais eu vocation à devenir un refuge pour les fraudeurs fiscaux ou pour les spécialistes de blanchiment et encore moins pour les terroristes. Quelque part, nous avions des lacunes, ce processus nous a permis d’en prendre conscience. On repensera dans cinq ans à cette période comme un moment où Monaco a passé un cap… » a ajouté Pierre-André Chiappori, selon qui les conséquences délétères d’une telle ostracisation sur l’économie monégasque devraient être limitées. « Il pourrait y avoir une influence sur la croissance si on devait y rester cinq ans, mais pour un an et demi, le fait d’être mis en liste grise à court terme n’a pratiquement pas d’impact. Surtout pour un pays qui n’emprunte pas et a une dette négative grâce à notre fonds de réserve.» Le pétrole monégasque, l’immobilier, sera-t-il impacté ? Cette nouvelle configuration va-t-elle pousser les résidents ou les investisseurs à quitter le pays ou changer leur centre d’activité ?« Monaco demeure un territoire très attractif, il y aura toujours des personnes qui viendront à Monaco pour y investir ou pour y vivre. Les fondamentaux de l’économie sont solides », rassure Pierre Dartout, qui a reçu les acteurs économiques de la place (Conseil économique et social, Fedem, etc.) pour évoquer ce dossier brûlant.

Certains banquiers ont pourtant déjà constaté des mouvements de capitaux vers d’autres pays comme le Luxembourg le jour-même de l’annonce du GAFI et l’on sait déjà que les transactions vont être ralenties en raison d’une application stricte de la compliance. « Le “de-risking” est un phénomène qui voit les institutions financières étrangères prendre leurs distances avec des contreparties, des correspondants bancaires, des clients ou des pays considérés comme présentant des risques élevés en matière de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme… Les coûts élevés de la conformité, les risques pour la réputation et la complexité des transactions sont autant de facteurs qui poussent les institutions financières à éviter de traiter avec des pays jugés à risque », note également une étude du cabinet Phoenix Consulting Monaco, listant parmi les risques majeurs une baisse du PIB ou encore des investissements étrangers (voir Monaco Economie N°129). Difficile d’anticiper les réactions des régulateurs financiers et des banques étrangers pour l’heure, jaugent pour autant les autorités monégasques : « Par le passé, des pays sur liste grise ont été traités sévèrement par les régulateurs, et d’autres de manière bénigne, alors que classification était la même. » « Quelle que soit la durée de cette période, nous devrons apprendre à vivre avec plusieurs rouages plus grippés qu’auparavant du fait d’une nécessaire documentation accrue de nombre de nos opérations économiques », résume de son côté le Conseiller National Régis Bergonzi, fataliste.

Une sortie en janvier 2026, un plan ambitieux ?

Concrètement, que doit faire Monaco pour sortir de la liste grise du GAFI en janvier 2026 (avec deux points d’étape intermédiaires en mai et septembre 2025) ? Le gendarme mondial anti-blanchiment reconnaît que de nombreux efforts ont été accomplis concernant notamment l’établissement d’une nouvelle unité de renseignement financier (CRF) et d’un superviseur LBA/LBC combinés, le renforcement de la détection et de l’enquête sur le financement du terrorisme, ou encore la mise en œuvre de sanctions financières ciblées et une supervision basée sur les risques des organisations à but non lucratif. « 80% des insuffisances relevées par Moneyval ont été réglées avant même le passage à Istanbul pour notre face-à-face avec le groupe du GAFI et avant la séance plénière à Singapour », note Pierre-André Chiappori, pour qui il reste donc 20% du travail à effectuer.

Monaco s’est ainsi engagé à suivre le plan d’action du GAFI et doit encore « renforcer la compréhension des risques de blanchiment de fraude fiscale commise à l’étranger, accroître les demandes auprès de pays tiers visant à identifier et à saisir à l’étranger les actifs financiers d’origine criminelle ; veiller à l’imposition de sanctions pour non-respect des règles relatives au blanchiment et au financement du terrorisme, ainsi que des exigences déclaratives de base et de bénéficiaires effectifs; augmenter les moyens de sa cellule de renseignement financier, ainsi que la qualité et la rapidité de traitement des déclarations de soupçon. »

Pour améliorer l’efficacité son système judiciaire, Monaco doit aussi « accroître le nombre de magistrats, imposer des sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées en matière de blanchiment d’argent; et développer les saisies d’actifs soupçonnés de provenir d’activités criminelles. » « Plusieurs dossiers emblématiques sont en cours. J’espère avoir des décisions de condamnation pour blanchiment dans les mois qui viennent même si la justice n’a pas le même rythme que l’économie… », précise le Procureur général Stéphane Thibault. D’autant que « pour ces dossiers financiers très volumineux, il risque d’y avoir des appels et des décisions de cours de révision. Cela peut prendre un certain temps… » Quant aux saisies par les juges d’instruction, elles ont atteint en 2023 environ 200 millions d’euros, tandis que le stock actuel représente un demi-milliard d’euros. « Le GAFI demande à ce que des saisies qui sont provisoires soient transformées en confiscations définitives. C’est du ressort des tribunaux. On a déjà augmenté significativement le nombre de condamnations pour blanchiment l’an dernier: 2 en 2022 contre une dizaine en 2023». Après les innovations législatives comme la présomption de blanchiment facilitant les poursuites en cas de circuit financier opaque, on attend aujourd’hui beaucoup du nouveau service de gestion des avoirs saisis et confisqués. Le recrutement de neuf personnes a été acté sur trois budgets différents jusqu’en 2025.

Côté ressources humaines, pas facile d’étoffer les effectifs de la justice monégasque, à un moment où la France peine à en recruter elle-même… Aujourd’hui, deux tiers des magistrats en poste à Monaco sont déjà détachés par la France soit 19 sur 27. Pour éviter de passer par la case ENM (Ecole Nationale de la Magistrature française) et le mécanisme de détachement, les autorités monégasques planchent sur des solutions alternatives : embaucher des magistrats jeunes retraités pour apporter leur concours de façon ponctuelle mais aussi puiser dans le vivier local de professions juridiques. Ce qui nécessitera le vote de textes de loi. « Les élus continueront à déployer toute l’énergie nécessaire si des moyens supplémentaires sont attendus pour la mise en place des recommandations formulées », a prévenu le Conseil National.

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