Selon une étude, 85% des emplois en 2030 n’existent toujours pas. Quels sont les métiers émergents ? Comment les pouvoirs publics et privés anticipent cette mutation ? Monaco Economie fait le point.
« Environ 23 % des emplois devraient changer d’ici 2027, ce qui inclut 69 millions d’emplois créés et 83 millions supprimés… » Selon le dernier Rapport sur l’avenir de l’emploi du Forum Économique Mondial (FEM), c’est une véritable révolution qui est en marche. A court et moyen terme. Selon les estimations des 803 entreprises interrogées*, les employeurs prévoient ainsi une diminution nette de 14 millions d’emplois, soit 2 % des emplois actuels. Les macro-tendances, dont la transition verte, les normes ESG et la localisation des chaînes d’approvisionnement, étant les principaux moteurs de croissance de l’emploi. Tandis que les défis économiques comme l’inflation élevée, le ralentissement de la croissance économique et les pénuries d’approvisionnement constituent la plus grande menace. « Ces trois dernières années, dans un contexte de COVID-19, ainsi que de changements géopolitiques et économiques, les gens du monde entier ont connu des bouleversements et des incertitudes quant à leur vie et leurs moyens de subsistance. Les progrès rapides de l’IA et d’autres technologies risquent maintenant d’ajouter encore plus de doutes », a déclaré Saadia Zahidi, Directrice Générale du FEM. Avant d’ajouter : « La bonne nouvelle, c’est qu’il existe une solution claire pour garantir la résilience. Les gouvernements et les entreprises doivent, au moyen d’investissements, soutenir la transition vers les emplois de demain via l’enseignement, la reconversion et des structures de soutien social qui peuvent garantir que les individus soient au cœur de l’avenir du travail. »
Besoin de formation
Dans un monde où les technologies évoluent à vitesse grand V, les métiers d’avenir sont bien évidemment liés au Big Data et à l’IA. « Les rôles d’analystes et scientifiques des données, de spécialistes du Big Data, de spécialistes de l’IA et de l’apprentissage automatique et de professionnels de la cybersécurité devraient augmenter de 30 % en moyenne d’ici 2027 ». « L’IA devrait être adoptée par près de 75 % des entreprises interrogées et entraîner un taux de roulement élevé. En effet, 50 % des organisations s’attendent à ce qu’elle crée des emplois et 25 % à ce qu’elle en supprime… », précise l’étude qui mise également sur une croissance des métiers liés à la transition verte, à l’atténuation du changement climatique et à l’agriculture.
Autre tendance de fond : « Les déficits de compétences et l’incapacité à attirer des talents sont les principaux obstacles à la transformation, ce qui montre un besoin évident de formation et de reconversion dans tous les secteurs d’activité. Six travailleurs sur dix auront besoin d’une formation avant 2027, mais seule la moitié des salariés semble avoir accès à des opportunités de formation adéquates aujourd’hui ». Un besoin qui doit inciter les secteurs privé et public à réfléchir à des actions concertées pour une bonne transition vers les emplois de l’avenir. Y compris à Monaco où la formation professionnelle est quasi-inexistante, faute de financement suffisant. Aujourd’hui, un partenariat entre la FEDEM et l’État permet aux entreprises de bénéficier d’une rétrocession gouvernementale de 30% HT de la facture globale pour les langues étrangères, le français pour les étrangers, l’informatique/bureautique, la digitalisation, les techniques d’accueil, la gestion/comptabilité, la gestion des paies, la lutte contre le blanchiment (LCB/FT-P-C). Pour les formations en management, communication et ressources humaines, la rétrocession gouvernementale est de 25% HT du coût total de la formation, plafonnée à 10 000 € par an et par entreprise.
Dans le rapport du FEM, 36 % des entreprises reconnaissent enfin qu’offrir des salaires plus élevés pourrait les aider à attirer des talents en réponse à la crise du coût de la vie. Selon les derniers chiffres de l’IMSEE, les salaires auraient certes augmenté à Monaco. La moitié des salariés du privé gagnant en 2023 plus de 3 256 euros brut par mois (le salaire médian étant en hausse de 5,2% par rapport à 2022) tandis que le salaire moyen était de 4 841 euros brut. Un salarié sur 10 empochait moins de 2 241 euros brut tandis que les secteurs d’activités les plus rémunérateurs sont (forcément) les activités financières (6 305 euros brut), information et communication (4 195 euros brut) et commerce de gros (3 747 euros brut)… Pour autant, même le ministre des Affaires sociales Christophe Robino martèle, dans ce numéro, que la hausse des rémunérations est un levier d’attractivité, tout comme une politique de mobilité permettant d’améliorer la desserte des pendulaires aujourd’hui dégradée (voir Zoom ME n°130). Car si les charges salariales sont par exemple moins lourdes qu’en France, le salarié monégasque travaille 39h et non 35. Dans le secteur bancaire, par exemple, « des grandes places dans les capitales européennes ou plus lointaines proposent des rémunérations plus attractives, ou en tout cas des “packages” plus attractifs que les nôtres », avait ainsi reconnu Jean Castellini, alors en charge des finances de l’État.
En conclusion, dans ce monde du travail en pleine mutation et face à l’évolution constante des métiers, notre grille de lecture a changé. L’enseignement doit s’adapter, la formation continue tout au long de la carrière devient une clé essentielle pour s’adapter aux nouvelles exigences du marché du travail, développer les compétences des salariés et garantir leur employabilité. Selon une étude réalisée par Dell et l’Institut pour le futur, 85% des emplois en 2030 n’existent toujours pas… Ce sont ces problématiques que Monaco Économie a exploré dans ce dossier.
*Le rapport sur l’avenir de l’emploi dresse la carte des emplois et des compétences de demain, en suivant le rythme du changement. Il s’agit de la quatrième édition du rapport, qui a été lancé pour la première fois en 2016. Il vise à analyser comment les macro-tendances et l’adoption de technologies sont susceptibles de reconfigurer les marchés du travail et de façonner la demande d’emplois et de compétences au cours de la période 2023-2027. L’enquête sur l’avenir de l’emploi rassemble le point de vue de 803 entreprises, employant collectivement plus de 11,3 millions de travailleurs, dans 27 groupes industriels et 45 économies de toutes les régions du monde.