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« Dans le cadre de la politique d’attractivité, idéalement, il faudrait augmenter les salaires »

Croissance, loi sur le télétravail, allocations familiales, augmentation des salaires, financement de la dépendance… Le conseiller des Affaires sociales et de la Santé Christophe Robino fait le point sur le modèle social monégasque.

Quelle est la situation de l’emploi en Principauté ?

La croissance est soutenue. Entre 2022 et 2023, nous avons eu une augmentation de 4 à 5% de la masse salariale. Pour autant, certains secteurs d’activité sont très dépendants de projets qui se terminent en 2024 comme Mareterra. C’est un énorme chantier, l’un des plus importants de ces 20 dernières années, qui emploie, vous le savez, beaucoup de salariés dans le secteur de la construction et du bâtiment. Les sociétés d’intérim et les opérateurs du bâtiment tablent sur une baisse du nombre d’emplois dans ce secteur l’an prochain, d’où l’intérêt pour Monaco de développer d’autres secteurs tertiaires d’activité (comme les secteurs du numérique, de l’information ou de l’IA) et de diversifier les revenus d’État qui dépendent aujourd’hui à 70% du BTP et de la TVA (dont TVA immobilière).

Vous misiez sur le Forum pour l’Emploi pour doper l’attractivité de Monaco.  Quel bilan dressez-vous ?

Cet événement contribue incontestablement à la politique d’attractivité du territoire et donne une image positive du dynamisme des entreprises. Sur les 5 500 participants, il y avait 4 582 candidats en recherche d’emploi et plus de 3 000 profils de candidats ont pu être recueillis par voie dématérialisée sur le site Monaco pour l’emploi. Ces CV sont de belle qualité : un peu plus de 20% avait un niveau d’étude secondaire type CAP bac et près de 50% avaient un niveau d’enseignement supérieur type licence master ou au-delà. Un peu moins de la moitié des candidats avaient au moins 10 ans d’expérience. Ils visaient les secteurs de l’hôtellerie-restauration, les professions de santé ou médicosociales, les services à la personne.

Ces candidats ont pour beaucoup déjà eu une expérience professionnelle en Principauté et souhaitent y rester ou revenir y exercer. Monaco intéresse aussi des salariés qui vivent de plus en plus loin : 16% des visiteurs était des résidents de la Principauté ce qui signifie que 84% venaient de l’extérieur, dont plus de 35% d’au-delà des communes limitrophes, 12,5% d’au-delà de la région PACA et près de 10% d’Italie. C’est d’ailleurs assez logique : la population résidant à Monaco et dans les communes limitrophes n’est pas extensible à l’infini. Plus l’emploi se développe à Monaco et plus on est obligé d’aller recruter loin…

Sur combien d’embauches ça a débouché ?

Nous n’avons pas de chiffres définitifs, en l’absence de retour des entrepreneurs sollicités. Je sais qu’un grand hôtel de la Principauté a embauché 10 personnes à l’occasion du Forum. D’autres entreprises ont recruté ou revu en entretien dans les 24/48 h des profils très spécialisés dans pour lesquels ils étaient en recherche depuis pas mal de temps. Certains employeurs ont gardé les CV et peuvent rappeler des candidats plusieurs mois après… Toujours est-il que les visiteurs étaient très satisfaits, surtout sur le fait de pouvoir rencontrer à la fois de nombreux employeurs mais aussi les différents services de l’administration (Caisses Sociales, Direction du Travail) pour les accompagner. Le prochain forum aura lieu le lundi 24 février 2025.

Durant le COVID, le travail à distance a été institutionnalisé et a développé cette modalité. Pensez-vous faire évoluer la loi sur le télétravail ?

Avec la ratification de l’avenant n°1 à la convention de sécurité sociale italo-monégasque, le télétravail est effectif pour les Italiens depuis le 1er juin !

A priori, nous n’allons pas modifier nos accords sur le télétravail avec la France et l’Italie : le cadre légal monégasque prévoit qu’un salarié peut télétravailler 3 jours par semaine de la France ou de l’Italie, or, depuis un an et demi, une directive européenne autorise le télétravail pour les travailleurs transfrontaliers à hauteur de 2,5 jours par semaine. Les dispositions monégasques sont donc un petit peu plus favorables. De toute façon, à mon sens, effectuer plus que 2 à 3 jours par semaine de télétravail ne permet pas de maintenir un lien social satisfaisant avec l’entreprise.

Actuellement, il y a en Principauté plus de 10% de télétravailleurs, c’est-à-dire qu’il y a 10% des 63 000 salariés recensés en Principauté qui effectuent au moins un jour par semaine de télétravail contre 0 en 2016. A titre de comparaison, en France il y a 30% de télétravailleurs alors que le premier accord national interprofessionnel en France date de 2005…

Où en sont les négociations avec la France s’agissant de l’abolition de la notion de chef de foyer et la modification du dispositif d’allocations familiales ?

Les discussions sont en cours avec les ministères français. La question qui se pose est de faire disparaître la notion de chef de foyer et de se rapprocher, pour l’ouverture des droits aux allocations familiales, des règles de coordination européennes. Dans cette logique, le critère premier pour un foyer ne sera plus qui est le chef de foyer mais où réside ce foyer. En clair, pour un foyer résidant à Monaco, à partir du moment où un des 2 travaille à Monaco, il ouvrira un droit potentiel aux allocations familiales à Monaco quel que soit le genre. Le droit effectif dépendra des critères de coordination et des cas d’usage qui sont actuellement examinés par les Caisses monégasque et française.

Cela change complètement la donne ?

 Il y a un choix à faire. Soit on veut rester sur un modèle que certains considèrent comme rétrograde, à savoir que l’homme est le chef de foyer ; soit on rétablit une égalité de genre et hommes et femmes sont traités de la même façon. Le plus simple et le plus cohérent avec les règles de coordination européenne, c’est de définir que le critère premier d’ouverture de droit est la résidence du foyer puis où travaillent les salariés. Nous travaillons également avec nos partenaires français à la mise en œuvre, en parallèle, d’un complément différentiel pour permettre à l’assuré de bénéficier du meilleur niveau de prestations, quel que soit le régime compétent, comme le prévoit également, sur le plan des principes, le règlement européen.

Vous êtes prêt à instituer une allocation différentielle pour préserver les droits acquis ?

Le surcoût pour les caisses sociales est loin d’être négligeable mais c’est un prix que nous sommes prêts à payer si c’est la condition pour arriver à un accord avec la France. Cela représente quelques dizaines de millions d’euros par an. La discussion est aujourd’hui descendue des ministères aux services techniques (CAF en France et Caisses sociales monégasques). La question pourrait être résolue d’ici la fin de l’année si on parvient rapidement à un accord.

Pour redorer l’attractivité de Monaco face à la concurrence française ou Italienne, envisagez-vous une revalorisation des salaires ? Selon vous, c’est le rôle des employeurs et non de l’État?

Effectivement, dans le cadre de la politique d’attractivité, idéalement, il faudrait augmenter les salaires. Or, dans une économie libérale, pour augmenter le revenu des salariés, il n’y a pas 36 solutions. Pour que leur revenu net augmente, à charge équivalente, il revient aux employeurs de réviser leurs salaires pour rester attractif par rapport à la concurrence française ou Italienne. La 2ème solution, c’est de baisser les charges ; or aujourd’hui les charges en Principauté sont moins importantes que dans d’autres pays et je rappelle que c’est sur les charges que sont financés les régimes sociaux. Il n’y a pas d’impôt sur le revenu à Monaco et donc pas d’autres sources de contribution de solidarité envisagées… La 3ème solution, c’est de mettre en place un intéressement des salariés. Certains employeurs seraient prêts à le faire à condition que cette redistribution soit déchargée. A mon sens, ce n’est pas une bonne chose car le risque est que la partie déchargée augmente plus que la partie des salaires chargés, entrainant une perte de ressources pour les caisses sociales et à plus long terme, pour les salariés, avec une baisse de leur retraite. Si au lieu d’avoir 100% du revenu chargé, vous n’en avez plus que 50%, cela implique un montant de retraite calculé sur la moitié de son revenu et non sur l’intégralité ! Mon rôle, c’est de m’assurer que les conditions de retraite qui sont avantageuses à Monaco soient préservées pour l’avenir.

En parlant du modèle social, pas de réforme du régime de retraite en vue ?

Rien n’est envisagé aujourd’hui hormis sur des régimes particuliers. Il faudra bien évidemment être attentif à l’évolution du régime général et refaire régulièrement des études d’actuaire pour évaluer sa solidité. Sans la loi de 2012, le régime serait en difficulté. Néanmoins, il faudra réfléchir probablement d’ici à 10/15 ans à une réforme qui ne sera probablement pas aussi importante que celle de 2012. L’essentiel étant pour moi de préserver la qualité des pensions monégasques à un taux de remplacement supérieur à la moyenne européenne.

Nous sommes par ailleurs sereins sur la Caisse complémentaire monégasque…

Le Gouvernement ne parle plus de la dépendance et de son financement. Où en est la réflexion ?

Le développement du maintien à domicile a fait diminuer de façon conséquente les besoins en maison de retraite. Aujourd’hui, les personnes qui ont besoin d’une institutionnalisation sont des profils qu’on appelle GIR 1 et 2, totalement dépendants, qui relèvent d’une prise en charge en unité de soins de longue durée (comme le CRIII) et non plus d’EHPAD (A qietudine, Cap Fleuri). Aujourd’hui, nous n’avons pas de tension sur les lits en EHPAD, et ce d’autant que la fondation Hector Otto a récemment été transformée en EHPAD (80 lits). Nous avons en revanche une liste résiduelle sur les demandes de places en unité de soins de longue durée.

Les résultats de la nouvelle étude d’actuaires que j’ai souhaité commander devraient nous parvenir assez rapidement pour confirmer ces hypothèses. Les représentants de la santé française constatent le même phénomène. Il faudra sans doute faire évoluer le Centre Rainier III pour augmenter sa capacité en unité de soins de longue durée et non pas construire les 3 EHPAD recommandés dans le cadre de la précédente étude d’actuaire. Un devrait suffire, peut-être sur les terrains de l’ancien CHPG, une fois que le nouvel hôpital sera opérationnel.A ma connaissance, il n’y a pas de projet arrêté sur ces surfaces constructibles.

Le financement de la dépendance ne pose quant à lui pas de problème. Un fonds pour la dépendance existe, crédité de 16 millions d’euros qui correspondent peu ou prou au coût d’une année pleine de la dépendance à Monaco. J’ai donc proposé au Gouvernement qui l’a accepté, de stopper l’abondement ce fonds et j’aurais recours à cette réserve s’il fallait compléter le financement de la dépendance, à la charge du budget de l’État.  

Quelle est la part de la politique sociale dans le budget de l’État ?

Si on considère le budget de l’Office de Protection Sociale, qui finance l’ensemble de l’action sociale de l’État, pour 2025 il est entre 40 et 45 millions d’euros sur un budget de 2 milliards d’euros.

Quels enseignements tirez-vous de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid notamment au regard des métiers essentiels, des caissières aux personnels soignants ? Surtout au vu de la tension des personnels.

La première année de la crise liée au COVID, il y a eu une grande émotion par rapport à ces professions qui ont été enfin reconnues à juste titre. Mais comme la mémoire est courte, j’ai le sentiment que la France est revenue à la perception ante et que ce ressenti positif a été gommé par le mécontentement des usagers des systèmes de santé qui pénalise les professionnels de santé dont on oublie qu’ils ne sont pas responsables de cette situation.

Ma nomination au poste de Conseiller pour les Affaires Sociales et la Santé montre l’importance accordée à la santé en Principauté. La santé n’a pas de prix. Comme l’atteste par exemple le Pasteur qui a été mis en place à Monaco (cf le Ségur français), plus avantageux que ce qui a été fait en France.

La subvention d’équilibre du CHPG et de ses satellites, qui est à la charge de l’État, est de l’ordre d’une quarantaine de millions d’euros par an, hors investissements.

Pour ce qui est hors santé, là aussi, il n’y avait ni plus ni moins de considération ou de respect avant la crise du Covid pour ces personnels qui sont pourtant nécessaires et essentiels au fonctionnement de toutes les activités… Dans certains pays latins, on regarde les gens en fonction de leur emploi et si cet emploi est considéré comme peu valorisant les personnes sont peu valorisées. Alors qu’aux Pays-Bas, par exemple, les gens expriment leur reconnaissance à un éboueur parce qu’il participe à maintenir leur cadre de vie propre, et considèrent que chaque emploi, que ce soit un travail intellectuel ou manuel, est essentiel. En ce qui me concerne, lorsque j’étais Chef de service au centre hospitalier Princesse Grace, je considérais que la femme de ménage qui maintenait le service propre était aussi essentielle que l’infirmière qui donnait un soin ou que le médecin qui opérait.

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