Avec Mareterra, Monaco s’offre son premier écoquartier certifié. 85% de l’infrastructure maritime est venue par la mer…
Un quartier de 6 hectares sur la mer, 60 000 m2 de logements grand luxe, offrant une nouvelle ligne de côte d’1km, et un chantier de 2 milliards d’euros… Mareterra affole les compteurs. Ce nouveau quartier, réalisé par l’Anse du Portier avec la participation, entre autres, de la multinationale du BTP Bouygues Travaux Publics, comprend une offre résidentielle grand luxe de 10 villas et quatre maisons de ville de 600 à 2 000 m2 et 110 appartements. Des biens rares donnant accès à une piscine d’eau de mer, baptisée Piscine Princesse Charlène, qui ont déjà trouvé preneurs à des prix records. Le onzième quartier de la Principauté, conçu par trois stars de l’architecture contemporaine et environnementale, Denis Valode, Michel Desvigne et Renzo Piano, abrite également une extension du Grimaldi Forum, 3 000 m2 de commerces et une large promenade en bord de mer. Sans oublier une colline artificielle verdoyante (1 000 arbres issus d’une pépinière toscane), une salle de méditation décorée par une artiste vietnamienne, une grotte bleue qui permet de voir l’intérieur d’un caisson, et un mobile d’Alexandre Calder, acquis par la Princesse Grace…
Pour cette nouvelle extension en mer lancée en 2015, il a fallu créer de toutes pièces un terrain entouré d’une ceinture de protection composée de 18 caissons en béton armé posés sur un remblai sous-marin. Ce qui a nécessité 2,8 millions de tonnes de matériaux de carrière pour le remblai, la réalisation du talus et le ballastage des caissons ! Hauts de 26 mètres et pesant 10 000 tonnes chacun, les 18 caissons en béton armé fabriqués à Marseille ont été acheminés vers Monaco les uns après les autres. Un trajet de plus de 200 km réalisé à l’aide d’un remorqueur… Un vrai défi technique.
Limiter l’impact sur l’environnement
Pour les promoteurs du projet, il a fallu surtout trouver des solutions innovantes pour limiter l’impact de ce chantier pharaonique sur la mer. 500 m2 d’herbiers de posidonie, cette algue qui sert de nurserie aux poissons, ont ainsi été déplacés et transplantés. « Mareterra a été un vrai laboratoire d’études et de suivi, on a utilisé les meilleures pratiques. Un tel déplacement de posidonies n’a jamais été réalisé sur de telles surfaces au niveau mondial. La préservation de la posidonie est une problématique rencontrée depuis longtemps, notamment par les centres industrialo-portuaires. Les méthodes de préservation précédentes ne fonctionnaient pas bien. Aujourd’hui, non seulement la transplantation a réussi mais nous voyons que la plante colonise de nouveaux espaces», affirme Guy-Thomas Levy-Soussan, administrateur délégué de L’Anse du Portier, la SAM promotrice du projet. « Mareterra est le premier écoquartier certifié à Monaco (par HQE Aménagement). On a franchi la première étape des études, il y a eu des audits intermédiaires de suivi et la certification sera délivrée à la livraison. Dès la pose de la première pierre, nous avons pensé à bien faire. Nous avons eu la chance d’avoir du temps, et des investisseurs sensibles à la protection de l’environnement, pour avoir les moyens de faire les choses correctement. Cela s’inscrit dans la logique du Souverain de favoriser un développement urbain le plus durable possible », précise Guy-Thomas Levy-Soussan qui rappelle que « c’est une première en principauté. Pour Fontvieille, qui a été conçu avant 1973, on n’avait pas les mêmes connaissances environnementales et énergétiques. » L’époque a changé… « Il est évident qu’une partie de ce développement urbanistique s’est faite à une époque où l’on ne savait pas par exemple ce que l’on causait comme dommages au milieu marin. Lorsque l’on a réalisé Fontvieille ou auparavant les remblais du Sporting et du Portier, personne ne savait ce que l’on a pu supprimer comme hectares de prairie de posidonie. Cela ne préoccupait personne. Les constructeurs du terre-plein de Fontvieille montraient glorieusement comment ils jetaient les cailloux à la mer mais certainement pas comment ils allaient protéger les fonds marins… Cela n’effleurait l’esprit de personne », reconnaît Bernard Fautrier, ancien conseiller de gouvernement pour les travaux publics et affaires sociales pendant 10 ans.
« On couvre 80% de l’éclairage public avec l’électricité verte du quartier »
Pour Mareterra, l’accent a été mis sur la transition énergétique. « Le béton est fabriqué sur place et plus de 85% de l’infrastructure maritime est venu par la mer pour réduire les émissions de CO2. On utilise par ailleurs du béton plus vertueux. Les cendres volantes sont récupérées dans de hauts fourneaux », explique Guy-Thomas Levy-Soussan.
Autre mesure phare : « On a souhaité créer notre propre boucle thalassothermique dès que le projet a été lancé en 2015, afin d’utiliser l’énergie de la mer pour refroidir et chauffer le quartier. Après étude, la solution retenue a été de se brancher directement sur le réseau thalassothermique de l’État au Larvotto», ajoute l’Administrateur Délégué de l’Anse du Portier qui a misé sur le mix énergétique. Les promoteurs ont également financé l’installation de panneaux photovoltaïques sur le Grimaldi Forum. Des panneaux sont également installés sur les immeubles collectifs, les jardins d’eau et le périscope (ascenseurs passant de place Gabriella au quai du port). C’est désormais la plus grosse centrale de production d’énergie photovoltaïque de Monaco. On couvre 80% de l’éclairage public avec l’électricité verte du quartier et ce qui est produit par les bâtiments est réinjecté dans le réseau », explique le promoteur, qui dit avoir réfléchi à toutes les options possibles y compris l’énergie houlomotrice et l’installation de batteries électriques sur l’extension en mer. « On a étudié plusieurs solutions et avons fait le choix d’avoir recours à des technologies éprouvées et reconnues… »
*Dans une interview à l’Observateur de Monaco à l’occasion des 100 ans de Rainier III.
Le Renzo, l’immeuble le plus compliqué à construire
Cela n’arrive pas tous les jours. Alors qu’on a plus l’habitude d’entendre parler de retards de chantier, Mareterra sera livré avec sept mois d’avance sur le calendrier annoncé, et ce malgré la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid 19. « La principale raison à cette avance c’est un réagencement du planning. Nous avons tout réorganisé pour que l’ordre des travaux soit plus adapté. Sans oublier le fait que nous avons eu la chance de collaborer avec 300 entreprises (soit près de 4 000 personnes) qui ont toutes été très investies et motivées », note, enthousiaste, Guy-Thomas Levy-Soussan. Le Renzo était sans doute l’immeuble le plus long et le plus compliqué à construire car sa structure est portée par des pylônes. Cet immeuble aux allures de paquebot, qui porte le prénom de son concepteur, représente d’ailleurs une prouesse technique. « La hauteur des poteaux a été calculée pour laisser passer le regard vers la mer depuis la dorsale, donnant ainsi l’impression d’un « bâtiment qui flotte » pour reprendre la formule de Renzo-Piano ». Le Renzo vise à être classé « Excellent » sur le classement BREEAM.