Depuis plus de 150 ans, la culture fait partie de l’image de marque de Monaco.
« L’image de marque de Monaco s’est construite avec l’apport culturel de la Principauté lié au développement de Monte-Carlo, de la fin du XIXe siècle à la première partie du XXe siècle. » Pour le journaliste Frédéric Laurent, coréalisateur et producteur de « Esultate, l’histoire de l’opéra de Monte-Carlo1 » avec son fils Jérémie, c’est une évidence: « L’Opéra de Monte-Carlo est le plus petit des grands opéras. Selon les historiens et les professionnels de la musique, il figure parmi les 10 monstres sacrés avec Opéra de Paris, la Scala de Milan, le MET de New York, l’Opéra de Vienne ou encore Covent Garden à Londres. Il est même plus important que les opéras de grandes capitales culturelles comme Rome ou Madrid… » Tout a commencé avec la naissance de Monte-Carlo. Dans le cadre de sa concession, la Société des Bains de Mer a l’obligation « d’ap-porter des animations (concerts, théâtre, etc.) de qualité ». Un orchestre est d’abord créé en 1856. Décors Otello 2019
« Au départ, il s’agissait d’une formation de 15 musiciens mais 20 ans plus tard, il devient un orchestre symphonique avec 80 musiciens » avant de se transformer, avec la volonté du Prince Rainier, en orchestre philharmonique de Monte-Carlo… Interrogé par Léon Zitrone dans les années 1960, ce prince mélomane dira qu’il s’agit de sa plus belle fierté. « Des légendes de la chefferie comme Victor De Sabata ou Igor Markevitch ont dirigé cette formation », observe le journaliste-écrivain.
80 créations d’opéras entre 1890 et 1950
L’opéra est inauguré en 1879 par les deux plus grandes stars mondiales de l’époque du théâtre parlé, Sarah Bernhardt et chanté, la cantatrice Caroline Miolan-Carvalho. Théâtre à l’italienne rouge et or au style Second Empire, la salle Garnier une réplique miniature de l’Opéra de Paris… Monaco devient une plaque tournante de la grande musique. « Entre 1890 et 1950, il y a 80 créations d’opéras à Monaco, autant qu’à la Scala! La richesse de cette création artistique représente un vrai apport à la culture française et européenne. Ravel a écrit pour l’Opéra de Monaco « L’enfant et les sor-tilèges », l’un des opéras les plus importants du XXe siècle (sur un livret de Colette). Massenet en a créé 7, dont le plus célèbre, Don Quichotte, et Saint-Saëns 3 », rappelle Frédéric Laurent.
Chanteurs, musiciens et compositeurs s’y bousculent. Même pendant le premier conflit mondial: « Puccini, le plus grand compositeur d’opéra vivant, crée sa Rondine pendant la guerre à Monaco en 1917 », indique Frédéric Laurent. « Des légendes de l’opéra, comme Chaliapine, la plus célèbre basse du XXe siècle, doivent leur carrière à Monaco. Chaliapine y fera d’ailleurs ses adieux… » Aujourd’hui encore, les chanteurs d’opéra sont très attachés à Monaco. « Pour notre documentaire, nous avons réalisé une trentaine d’interviewes. Toutes les grandes stars actuelles le disent: chanter à la Salle Garnier est unique au monde ! Roberto Alagna et Cecilia Bartoli estiment même qu’ils ont une dette envers la Principauté, qui représente un tremplin extraordinaire. L’ancien directeur de l’opéra de Monte-Carlo John Mordler est venu chercher Cecilia Bartoli en 1989 pour chanter Roselyne dans le Barbier de Séville… » On connait la suite. Habituée de l’opéra monégasque, la célèbre cantatrice, déjà à la tête des Musiciens du Prince, revient en 2023 pour le diriger… Elle succèdera à Jean-Louis Grinda, « l’un des meilleurs directeurs d’opéra au monde, qui avait été pressenti pour diriger l’Opéra de Paris », note Frédéric Laurent.
La danse en ébullition
Au début du XXe siècle, Monaco a abrité Diaghilev et ses célèbres Ballets russes. C’était l’âge d’or avec Nijinsky, Lifar, Balanchine… Diaghilev encourageait la collaboration avec de grands artistes de tous horizons, d’Igor Stravinsky à Pablo Picasso, en passant par Henri Matisse et Coco Chanel… La compagnie fut dissoute à la mort de Diaghilev, en 1929.
En 1985, la Compagnie des Ballets de Monte-Carlo est créée, sous la direction de Jean-Christophe Maillot. L’ancien danseur et chorégraphe-directeur du Centre Chorégraphique National de Tours a créé un répertoire de plus de 30 ballets, parmi lesquels « Roméo et Juliette », « Cendrillon », « La Mégère apprivoisée » ou encore « Core Meu ». La compagnie accueille régulièrement des chorégraphes contemporains majeurs comme Sidi Larbi Cherkaoui, Emio Greco, William Forsythe ou encore Jiri Kylian. « Aujourd’hui, les Ballets de Monte-carlo appartiennent aux 10 meilleures compagnies du monde », estime Frédéric Laurent.
Miléna RADOMAN