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Conseil National Principauté de Monaco

Conseil National : la feuille de route de la mandature

La nouvelle équipe du Conseil National n’a pas tardé à annoncer sa feuille de route. Au menu notamment : accord d’association avec l’Union européenne, égalité hommes-femmes et mobilité.

Après des élections dénuées de suspense, marquées par une abstention record de plus de 42%, la nouvelle mandature a démarré pour les 24 élus du Conseil National. La Présidente Brigitte Boccone-Pagès a choisi d’être épaulée à des postes clés par des ténors de la politique monégasque, connus pour leur verve et leur franc-parler. L’Union monégasque Jean-Louis Grinda endosse le costume de Vice-Président, tandis que l’avocate Christine Pasquier-Ciulla, qui opère un retour à l’assemblée, préside la commission des Droits de la Famille et de l’Égalité. Une façon de pointer les priorités du mandat, comme la bonne gestion et la transparence des deniers publics (une marotte de Grinda) et l’égalité hommes-femmes. Cette distribution des rôles répond bien évidemment à une logique d’Union nationale. Succédant à Stéphane Valeri qui avait initié cette coalition, la nouvelle présidente est consciente qu’elle aura à prouver sa « capacité à rassembler » durant 5 ans. C’est pourquoi elle a également confié à l’ancienne élue Horizon Monaco, Béatrice Fresko-Rolfo, la présidence de la délégation à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.
Autres changements majeurs au sein de l’Assemblée : Franck Julien monte en grade en tant que président la commission Finances et Economie nationale, Franck Lobono quitte le Logement pour prendre

la commission des intérêts sociaux, Guillaume Rose récupère la Culture, Nathalie Amoratti-Blanc l’Environnement et la Qualité de vie et Fabrice Notari les Relations extérieures. Si Thomas Brezzo conserve (logiquement) la législation, c’est l’ancien bâtonnier Régis Bergonzi qui partira au front sur le dossier européen. Incarnera-t-il la position frondeuse des professions libérales ou se départira-t-il complètement de sa casquette « corporatiste » ? Pour le reste, place aux nouveaux élus, à la Jeunesse (Mathilde Le Clerc), au logement (Maryse Batta-glia), au Numérique (Nicolas Croési) et au suivi du Fonds de Réserve Constitutionnel (Christophe Brico). A noter que la nouvelle législature a réitéré le système de vice-présidence de commission initié par l’ancien président Laurent Nouvion.


L’égalité entre les sexes, priorité du mandat
Exit la commission des droits des femmes. Présidente de la nouvelle commission de la Famille et de l’Égalité, Christine Pasquier-Ciulla a profité du 8 mars pour fixer les objectifs de la mandature : « atteindre l’égalité salariale ». Et pour cause. Aujourd’hui, au niveau du salaire médian, « Monaco fait (certes) figure de bon élève avec un écart de 5,9% en faveur des hommes. Si nous comparions Monaco aux pays de l’OCDE, la principauté se placerait à la 10e place loin devant la moyenne de l’OCDE qui est à 12,6%. En revanche, les écarts en faveur des hommes sur le salaire mensualisé brut moyen (28,5%) et sur le salaire horaire moyen (20,9%) laisse entrevoir une marge d’amélioration. A titre de comparaison en région PACA, les hommes ont un salaire horaire moyen supérieur de 17,3% par rapport aux femmes », analyse Céline Cottalorda, déléguée interministérielle en charge des droits des femmes.
Autre chantier délicat : la reconnaissance du statut de « cheffe de foyer » pour les femmes du secteur privé. Si ce statut est appliqué chez les femmes fonctionnaires et agents de l’État et de la Commune, les travailleuses indépendantes et du secteur privé n’y ont pas droit. Christine Pasquier espère bien que ce dossier, qui nécessite de négocier avec la France pour faire évoluer la convention franco-monégasque, avance rapidement.
La lutte contre les violences domestiques sera également une priorité. Le projet de loi 1074, prévoyant la création d’un fonds d’indemnisa-tion des victimes d’infractions pénales, « est le premier texte que va étudier ma commission. Cela servira à toutes les victimes (hommes, femmes et enfants) mais cela s’adresse principalement aux femmes et enfants victimes de violences. Cela permettra à l’État de se subs-tituer par subrogation à l’agresseur pour indemniser les victimes des traumatismes subis. Ce sera une grande avancée », a expliqué à Monaco-Matin Christine Pasquier-Ciulla, qui s’attellera également à la création d’indemnités pour congé maternité des femmes travailleuses indépendantes et au dépoussiérage de la loi sur le divorce, avec une éventuelle introduction du divorce « sans faute ». Dans cette interview au quotidien local, l’élue n’a pas caché qu’elle espérait, à titre personnel, « qu’un jour, l’IVG puisse être pratiquée à Monaco ». Une déclaration qui vient en écho avec la manifestation silencieuse organisée le 8 mars par Juliette Rapaire, candidate féministe de la liste Nouvelles Idées pour Monaco (NIM) aux dernières élections. « A Monaco, l’IVG est accessible pour les femmes qui souhaitent le pratiquer à l’étranger car en Principauté, la loi maintient les sanctions (cinq à dix ans de prison) pour tout professionnel de santé pratiquant un avortement sur le territoire. Cet acte loin d’être anodin n’est pas remboursé par les caisses sociales : si vous souhaitez vous faire avorter en tant que Monégasque ou résidente du territoire, il faut minimum débourser 480€ en liquide (cela peut monter jusqu’à 2 000€ selon les praticiens). Autrement dit, l’avortement à Monaco, c’est comme une triple pleine : honteux, à pratiquer dans le pays voisin et onéreux », a ainsi déclaré Juliette Rapaire. On verra si ce dossier épineux à Monaco, État catho-lique, reviendra au sein de l’assemblée lors de ce mandat.


LE dossier majeur : l’Europe
« Nous serons là pour que Monaco ne courbe pas l’échine, nous serons là pour protéger notre communauté nationale de toute atteinte à ce qui fait son ADN, nous serons là pour défendre pied à pied chaque élément constitutif de notre modèle économique et social, ce modèle envié de beaucoup, et forcément parfois incompris. » Dès le premier discours du mandat, Brigitte Boccone-Pagès a répété son attachement aux fameuses « lignes rouges » fixées dans le cadre de la négociation d’un accord d’association avec l’Union Européenne. Tout comme Régis Bergonzi, qui a livré une position tranchée sur la négociation en cours avec l’Union Européenne: « C’est de notre participation au marché commun dont il est ici question. Et les 4 libertés de circulations des Biens, des Personnes, des Services et des Capitaux sont autant de dogmes que nos interlocuteurs pourraient se borner à réclamer en boucle. Du côté de Monaco, l’application pure et simple de ces principes à notre Pays en signifierait sa fin. (…) A 52 000 euros le m2 moyen, à peu près aucun Monégasque «normal » ne pourrait vivre en Principauté sans préférer émigrer en France. La priorité nationale pour l’emploi n’est pas une demande d’égoïstes soucieux de ses privilèges, elle permet seulement à une population « normale » de demeurer dans son Pays sachant que ce sont en vérité les 3/4 de la population active monégasque qui serait impactée par une remise en cause de cette règle faisant figure de gros mot en Europe. Nos aides sociales seraient également toutes à repenser car fondées sur un critère de la nationalité totalement proscrit en Europe. (…) Les Anglais ont un proverbe selon lequel on ne doit pas réparer quelque chose qui marche. Alors regardons désormais sur quoi on peut se mettre d’accord sans risquer notre survie. »

C’est exactement ce que fait Isabelle Costa en charge des discus-sions avec Bruxelles. « Tout l’objectif de cette négociation est de surmonter cet antagonisme et de trouver des solutions innovantes pour pouvoir préserver nos spécificités et notamment la préservation de la communauté nationale dans son propre pays », rappelle la nou-velle Haut-commissaire aux Affaires européennes*. Car a contrario, « il faut envisager les difficultés qui seraient celles de la Principauté dans dix ou vingt ans en l’absence d’un accord d’association. Sur le plan économique, juridique. Cela pourrait créer des complications dans l’échange numérique de nos données, par exemple, où nous avons besoin d’une reconnaissance de niveau de protection adéquat des données personnelles », note Isabelle Costa. C’est pourquoi le gouvernement réalise une étude prospective sur les conséquences d’un échec des négociations, sur les plans politique, économique et juridique, dont les résultats seront connus fin mai. Preuve du climat de confiance actuel, le conseil national a demandé des crédits à l’Exécutif afin de diligenter la sienne…


Maitrise des coûts et des dépenses publiques au programme
« Le Conseil National saura faire preuve de responsabilité et de prag-matisme pour accompagner les réformes structurantes nécessaires pour un équilibre durable de nos finances publiques. Cet esprit de responsabilité devra aussi se manifester par un regard attentif à la maîtrise des coûts et des dépenses publiques », a annoncé Brigitte Boccone-Pagès, qui a reconduit la commission pour le suivi du Fonds de Réserve Constitutionnel et la modernisation des comptes publics. « Nous demanderons inlassablement au Gouvernement que l’ensemble des recettes et des dépenses passe bel et bien par le budget de l’État et donc par les lois de budget soumises à notre vote et non pas par l’utilisation contestable du Fonds de Réserve Constitutionnel ». Pour passer à l’action, le Conseil National s’inspirera peut-être des recommandations de la commission supérieure des comptes. Dans son rapport 2022, l’Institution Supérieure de contrôle (ISC) de la Principauté rappelle ainsi l’importance d’une réforme du régime des retraites de la Fonction Publique, précisant le montant des réserves nécessaires pour couvrir les engagements de l’État à 25 et 50 ans:

« Le « canton retraite » a fin 2021 une valeur de 421,9 M€ ». Sur cette question délicate des retraites, elle demande aussi à l’État que « l’âge effectif de départ à la retraite, actuellement inférieur dans bien des cas à l’âge « normal », se rapproche de celui-ci, ce qui suppose par exemple, de revoir les incitations aux départs anticipés ». Mais ce n’est pas le seul domaine à réformer selon l’institution, qui propose des mesures pour réduire le coût budgétaire de l’Aide Nationale au Logement ou encore la renégociation de la convention passée par l’État avec la Société Commerciale ASM FC SA (en vue d’intégrer la construction des loges VIP dont l’usage quasi exclusif est réservé au club de football ou encore de lui transférer la responsabilité et le coût de fonctionnement du Centre de Formation).
En parallèle, les nouveaux élus ont l’ambition de développer les recettes budgétaires de l’État. « Pour y parvenir, nous déposerons prochainement une proposition de loi portant la création d’une foncière d’État, afin que l’État valorise enfin pour lui-même et pour son compte chaque mètre carré disponible », a annoncé Brigitte Boccone-Pagès. L’Union reprenant ainsi à son compte l’une des propositions phares du mouvement politique Horizon Monaco lors de la campagne électorale de 2013 relative à la gestion du patrimoine immobilier des domaines.


Mobilité, en avant toute
« La mobilité sera au cœur de notre action, comme le développement harmonieux et efficace de l’urbanisme dans notre pays. Comme nous l’avions déjà indiqué à de nombreuses reprises à la fin du mandat précédent, il est grand temps de sortir du temps des études pour passer à l’action et au temps des décisions structurantes pour notre pays. Il en va de notre attractivité, notamment sur le plan profes-sionnel, pour continuer d’attirer les salariés dont nous avons besoin pour faire vivre notre économie », a insisté la nouvelle Présidente, qui attend de connaître les arbitrages opérés en termes de mobilité. Qu’en ressortira-t-il ? Un RER ou un métro entre Nice et Monaco? Un transport en commun en site propre traversant la Principauté d’est en ouest ? Un ascenseur menant sur le Rocher ? Les décisions devraient probablement intervenir en 2023.

Milena RADOMAN

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