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Photo interview école monégasque

« 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore » : un défi pour l’Ecole

« Il y a 30 ans, seule l’Ecole – ou presque – diffusait le savoir. Aujourd’hui, le savoir est partout. Le rôle de l’Ecole est d’apprendre aux élèves à trouver la bonne information, à savoir lui donner du sens. La commissaire générale Isabelle Bonnal, Directrice de l’Education Nationale, imagine les changements des 30 prochaines années.

L’enseignement a-t-il beaucoup évolué ces 30 dernières années ? Comment ?

La structure de l’enseignement reste la même mais des évolutions majeures ont eu lieu. Le premier changement, c’est le passage d’un enseignement standardisé à un enseignement de plus en plus personnalisé. On diagnostique plus facilement aujourd’hui les besoins des élèves et on arrive à mettre en place des parcours adaptés à chacun d’eux, grâce notamment aux neurosciences qui permettent d’adopter les bonnes stratégies d’apprentissage. Le meilleur exemple en est la scolarisation des enfants en situation de handicap qui sont davantage accueillis dans les établissements scolaires où ils peuvent être des élèves comme les autres avec une prise en charge de leurs difficultés. De même, tous les élèves ayant des troubles « dys » sont aujourd’hui suivis et traités dans le cadre scolaire, ce qui était loin d’être évident il y a 30 ans. Le deuxième changement, c’est l’apparition de la notion de « compétence » qui complète celle des « connaissances ». Les connaissances, ce sont les savoirs théoriques ou techniques. Les compétences, c’est la capacité à utiliser les connaissances dans une situation bien particulière. Les compétences sont beaucoup plus « pratiques ». Cette évolution est importante car elle prépare mieux les élèves au monde du travail où les compétences sont un enjeu de premier plan. Le troisième changement, c’est le numérique. Les outils numériques permettent de varier les situations d’apprentissage, de rendre l’enseignement plus efficace. Au-delà des outils, le numérique donne accès à de multiples informations. Il y a 30 ans, seule l’Ecole – ou presque – diffusait le savoir. Aujourd’hui, le savoir estpartout. Dans ce contexte, le rôle de l’Ecole est d’apprendre aux élèves à trouver la bonne information, à savoir lui donner du sens. C’est un changement important.

Comment imaginez-vous l’enseignement en 2050 ?

C’est un exercice bien difficile que de se projeter dans 30 ans, surtout dans le monde actuel où rien n’est figé ! Il faut toujours se garder d’une vision un peu trop futuriste. Rappelons-nous que dans les années 1980, certaines études prospectives nous promettaient un enseignement 100 % vidéo. On voit que cela ne s’est pas du tout réalisé. Quelques pistes d’évolution semblent toutefois probables. D’abord, bien que cela puisse paraître à contre-courant, l’enseignement de 2050 donnera sans doute une place plus importante à la relation entre l’élève et son professeur. En effet, l’enseignement à distance contraint par l’épidémie de COVID-19 a montré toute l’importance du lien entre l’élève et son professeur et d’un lieu comme l’école où les élèves peuvent cultiver leurs relations sociales. Ce rôle de lien social permis par l’enseignement en présentiel a donc encore de beaux jours devant lui.

Un autre tournant?

L’enseignement en 2050 profitera aussi des apports du numérique et des avancées en architecture pour proposer une plus grande variété d’espaces pour apprendre. La classe ne disparaîtra pas mais son organisation sera plus flexible pour pouvoir être modifiée afin de s’adapter à ce que les élèves doivent apprendre, et comment ils doivent apprendre (seul, à deux ou en groupe…). Le numérique donnera sans doute la possibilité de rendre plus cohérent le temps avant, pendant et après la classe. L’enseignement pourra ainsi se faire avant d’aller en cours, grâce à la classe inversée. Chez lui, l’élève qui a des difficultés pour faire ses devoirs ou réviser un contrôle pourra aussi interroger son enseignant ou être aidé par un tuteur. L’élève sera donc dans une plus grande continuité d’apprentissage tout au long de la semaine.
Les projets par équipe prendront aussi de l’ampleur car ils permettent d’acquérir les compétences nécessaires aux métiers de 2050 : le travail en équipe, la capacité à résoudre un problème complexe, la créativité et l’adaptabilité. Dans ce contexte, les compétences mathématiques devront également être une priorité.

Quelles nouveautés pressentez-vous de la maternelle au baccalauréat, dans les prochaines décennies ?

L’Ecole doit répondre au défi que présente le fait que 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore. Il faut donc préparer les élèves à avoir les compétences pour pouvoir évoluer et vivre dans ce contexte. Cependant, certaines transformations technologiques et sociétales sont amorcées et trois grands secteurs d’activités sont déjà en mouvement. Il s’agit des services aux seniors, de la transition écologique et de la transformation numérique.

Dans ce dernier secteur, l’émergence de l’intelligence artificielle, de la cyber-sécurité, de la robotique ou encore de la réalité virtuelle ont d’ailleurs commencé à faire évoluer des programmes et des filières d’enseignement. Par exemple, si depuis quelques années, l’apprentissage du langage informatique est une réalité à Monaco. Depuis peu, cet apprentissage a été renforcé par l’initiation à la programmation dès la grande section de maternelle.

De même, au Lycée Technique Hôtelier de Monaco, la filière « Mainte- nance des équipements industriels » a évolué vers la « Maintenance des Systèmes de Production Connectés » (MSPC) en lien avec le développement de la domotique et la généralisation des environnements connectés dans l’industrie. Il est à parier que cette tendance devrait s’accentuer.

L’enseignement digitalisé permet de former les nouvelles générations aux métiers de demain : lesquels ?

Le digital a entraîné d’importantes transformations dans l’enseigne- ment : l’enseignement à distance, la classe inversée, l’apprentissage de la programmation, une pédagogie plus attractive et plus efficiente… Tous ces apports permettront de mieux former nos jeunes aux métiers et à la société de demain. L’apprentissage de la programmation leur donnera ainsi les savoir-faire et la logique, adaptés à l’économie numérique. Aujourd’hui, programmer est le complément indispensable aux fondamentaux « lire, écrire, compter ».

L’enseignement digitalisé est aussi un appui pour que les élèves sachent s’adapter à différentes situations. En résolvant des problèmes par eux-mêmes, en cherchant des solutions, en ne se contentant pas de suivre une procédure figée, ils apprennent une compétence majeure pour les métiers de demain : l’adaptabilité.

Enfin, l’enseignement digitalisé montre aux élèves que l’on n’a jamais fini d’apprendre. Grâce au numérique, on « apprend à apprendre » et cette capacité s’avérera décisive dans les prochaines années où il faudra savoir actualiser en permanence ses compétences pour répondre aux besoins d’une économie de plus en plus rapide et disruptive.

Miléna RADOMAN

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