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Télétravail transfrontalier : à la frontière du risque fiscal ?

Monaco compte près de 50 000 salariés monégasques résidant en France ou en Italie.

La pratique du télétravail conduit à des problématiques transfrontalières dès lors que ces salariés sont amenés à exécuter leurs fonctions plusieurs jours par semaine depuis leur domicile situé en France ou en Italie.

Les conventions bilatérales de sécurité sociale signées avec la France et l’Italie[1] facilitent cet aménagement du travail plus flexible[2] en purgeant les risques juridiques liés aux droits de la sécurité sociale entre ces Etats.

Cependant, pour les employeurs monégasques, dont les salariés travaillent depuis leur domicile en France ou en Italie, le risque de création d’un « établissement stable » à l’étranger ne doit pas être négligé.

Qu’est-ce qu’un établissement stable ?

Pour rappel, la notion d’établissement stable permet de déterminer le lieu d’imposition d’une activité exercée, par une entreprise d’un Etat, dans un autre Etat.

Lorsqu’une entreprise exerce une partie de son activité dans un autre pays, cette activité peut constituer un établissement stable en présence (i) d’une installation fixe d’affaires ou d’un agent dépendant situé dans cet autre pays (ii).

Cette caractérisation est importante dès lors qu’elle peut entrainer l’imposition des profits générés par l’établissement stable dans le pays où celui-ci se trouve.

La question se pose donc de savoir s’il existe un risque que les profits que l’activité en télétravail génère soient soumis à l’impôt sur les sociétés dans le pays depuis lequel le télétravail est réalisé.

Un début de réponse peut être trouvé en se référant au Modèle de convention fiscale 2017 et aux recommandations de l’OCDE[3].

L’installation fixe d’affaires

L’installation fixe d’affaires est un concept utilisé en droit fiscal pour définir un lieu où une entreprise exerce une activité économique de manière stable et permanente qui demeure à sa disposition.

Une analyse au cas par cas est donc indispensable pour déterminer si le bureau fixé au domicile du salarié remplit ces critères.

En premier lieu, dès lors que le télétravail se limite à un nombre de jours réduit par mois ou par an, le critère de fixité ne devrait pas être considéré comme rempli. Une distinction doit en effet être faite entre la « récurrence » et la « permanence » du télétravail.

Par ailleurs, le domicile d’un salarié ne devrait pas être considéré comme étant « à la disposition de l’employeur » dans la mesure où l’employeur n’exige pas l’utilisation du domicile du salarié pour l’exercice de son activité.

De surcroit, les activités exercées depuis le domicile des salariés ont en principe un caractère auxiliaire et par conséquent exceptionnel incompatible avec la caractérisation d’un établissement stable.

Néanmoins l’OCDE concède que la pérennisation du télétravail pourrait remettre en question cette analyse.

L’agent dépendant

La qualification d’un agent dépendant suppose que la personne opère, (i) sous la subordination d’une entreprise, une activité dans un autre pays pour le compte et au nom de cette entreprise et engage de manière habituelle, l’entreprise en droit ou en fait (ii).

Ainsi, une personne qui dispose du pouvoir de conclure habituellement ou exclusivement des contrats ou qui est habilitée à négocier les éléments essentiels d’un contrat, ou qui dispose d’un pouvoir de décision pour la signature d’un contrat peut être qualifiée d’agent dépendant.

Dès lors, il convient d’examiner le caractère habituel de l’activité de l’agent dépendant selon la nature des contrats et de l’activité de l’entreprise.et le rôle de chaque salarié en situation de télétravail (fréquence, fonctions, responsabilités, étendues des activités, organisation matérielle)[4].

A titre d’exemple, un salarié qui se borne à promouvoir et commercialiser les produits d’une société dont le siège est à l’étranger sans pouvoir négocier ou conclure des contrats au nom et pour le compte de cette société ne semble pouvoir être qualifié d’agent dépendant.

En conséquence, il est vivement recommandé, préalablement à la mise en place du télétravail, d’analyser les postes de chaque salarié à qui le télétravail serait proposé.

Ainsi, il pourrait apparaitre loisible à l’employeur d’encadrer les tâches réalisées en télétravail afin d’écarter tout risque fiscal.

A la lumière des développements ci-dessus, il est légitime de s’interroger sur l’opportunité pour Monaco de se doter d’accords fiscaux amiables avec la France et l’Italie afin d’autoriser qu’un certain nombre de jours d’activité professionnelle puissent être réalisés hors du lieu habituel d’exercice au sein de l’entreprise sans engendrer de conséquences fiscales.


[1] Ordonnance Souveraine n° 10.558 du 16 mai 2024 rendant exécutoire l’Avenant n° 1 à la Convention générale de Sécurité sociale entre la Principauté de Monaco et la République italienne du 12 février 1982

[2] Cf. article sur l’évolution du monde du travail

[3] Article 5 du Modèle de convention fiscale 2017 OCDE et recommandations en date du 21 janvier 2021

[4]Les juges français ont retenu une définition large « du pouvoir de conclure un contrat » considérant qu’elle inclut également le pouvoir d’engager l’entreprise dans une relation commerciale – CE, 11 décembre 2020, n°420174, Conversant

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