La vie professionnelle est loin d’être un long fleuve tranquille… A la tête de Motiv-Up, Chantal Cockaerts est témoin de l’évolution du marché du travail.
Difficile de prévoir les métiers du futur, qui n’existent pas encore, pour Chantal Cockaerts. « Il y a bien sûr les métiers liés au numérique (data, robotique, cybersécurité, IA, santé numérique), à l’environnement et aux services à la personne. Mais certaines professions vont disparaitre en raison des avancées technologiques et de l’IA. Nous avons un modèle économique à inventer… » analyse la consultante, qui a créé Motiv-Up en 2010 à Monaco pour permettre à chacun de trouver sa voie dans son parcours de vie.
Chez les scolaires, Chantal Cockaerts essaie de faire comprendre qu’il ne faut pas chercher le métier qu’ils souhaitent faire toute leur vie. « C’est trop stressant. C’était vrai il y a longtemps mais aujourd’hui, il faut trouver un premier métier qui vous plaira. Cela correspond à la philosophie actuelle du monde du travail où tous les jeunes seront amenés à changer de métiers plusieurs fois au cours de leur vie professionnelle. » Certaines universités ont d’ailleurs sauté le pas et proposent désormais des socles d’enseignement généralistes, à l’américaine. « Au lieu de se spécialiser dès la première année, les écoles “liberal arts” permettent d’étudier un ensemble interdisciplinaire (Histoire, Mathématiques, Chimie, Politique, Littérature…) avec une spécialisation uniquement en master. »
Dans les bilans de compétence qu’elle réalise, à Monaco bien sûr mais aussi en France et en Europe, certains jeunes actifs esquissent des projets pour recréer du lien et de la communauté, créer des passerelles entre les générations et faire revivre des quartiers grâce à des espaces de coworking… « Je sens une forte quête de sens chez les trentenaires et un désir d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle chez les hommes autant que les femmes, toutes générations confondues. »
La formation continue, la clé pour se mettre à jour
Pour Chantal Cockaerts, c’est la formation continue qui permettra à chacun de se mettre à jour, tout au long de sa carrière. « Les certifications professionnelles permettent de développer des compétences techniques (logiciels, IA, gestion de projet, etc…) mais aussi des soft skills, des compétences utiles quelque soit le secteur professionnel. La communication verbale et écrite, la collaboration, l’autonomie, la pensée critique et créative, la flexibilité et la résilience, la gestion d’équipe et le management, sont essentiels aujourd’hui. Il faut être ouvert au changement et être prêt à rebondir, développer ses réseaux et sa communauté (LinkedIn, associations comme la JCEM) », estime la consultante, pour qui ces soft skills devraient être développées dès le système scolaire « pour penser out of the box dans un marché du travail en pleine ébullition ».
Un Livre Blanc pour un financement étatique
Pour Chantal Cockaerts, les bilans de compétences ont plusieurs vertus pour les gens qui ne se sentent pas bien dans leur métier ou qui souhaitent se reconvertir : « Les personnes se rendent compte de leurs compétences et cela ouvre le champ des possibles, en identifiant un plan de carrière ou une formation et en renforçant la motivation. »
Le seul hic : à Monaco, la formation professionnelle n’est pas financée par l’État ou les entreprises contrairement à la France par exemple. Or un bilan de compétence coûte entre 1 800 et 3 000 euros, en fonction du nombre d’heures et d’outils utilisés. « Je pratique une prestation à 750 euros en quatre rendez-vous mais il ne convient pas à tous les profils », explique Chantal Cockaerts qui a pris son bâton de pèlerin pour convaincre les autorités monégasques de l’importance d’un financement par l’État. « En France, le bilan de compétences se situe en 4ème place dans les demandes de financement par les salariés après les langues, le permis B. Il représente un enjeu majeur pour les salariés, par conséquent pour les entreprises et in fine pour l’économie monégasque. La multiplication de sites de notation de bien-être en entreprises tel Great Place to Work démontre l’importance croissante accordée à ce facteur », milite la vice-présidente du Syndicat des Professionnels en Ressources Humaines (SYRH) dans un Livre Blanc remis au département des Affaires sociales en 2022. Sa proposition ? « Les financements et aides apportés par l’État pourraient être envisagés pour toute personne travaillant à Monaco sur une période à définir ou pour les personnes inscrites au Service de l’Emploi à Monaco ou pour les jeunes par un soutien différencié basé sur la couleur de la carte de sécurité sociale. Mais aussi pour les entreprises qui réalisent des Bilans de Compétences dans le cadre de leur politique RH ou lors d’un licenciement ». Ce qui permettrait de prévenir le burnout, autre phénomène affectant le monde du travail. « Depuis la crise du covid, le nombre de cas a doublé dans mon cabinet », observe Chantal Cockaerts qui voit plus de femmes en burnout. « Ce sont souvent des personnes perfectionnistes, qui repoussent leurs limites, qui font tout pour rentrer dans le moule dans un environnement qui ne correspond pas à leurs valeurs. »