Dès 1863, Monaco s’est affirmé dans le monde du jeu. Réel et virtuel…
En 1863, Monaco abat une carte maîtresse en ouvrant son casino, grâce à l’expertise du « magicien de Homburg » François Blanc. Les jeux d’argent étant interdits dans pratiquement toute l’Europe, cet avantage concurrentiel place la Principauté dans le radar du Gotha européen. Aristocrates, joueurs fortunés, artistes, hommes d’affaires, têtes couronnées, se pressent aux tables du casino monégasque, où la roulette à un seul zéro (une invention de François Blanc) et le trente-et-quarante cartonnent… De l’Empereur d’Autriche-Hongrie François-Joseph à Napoléon Bonaparte, en passant par des artistes tels Jacques Offenbach, Alexandre Dumas, Jules Verne, Saint-Saëns, Massenet… Au fil des ans, les joueurs emblématiques entretiennent la légende du Casino de Monte-Carlo. A l’instar de La Belle Otéro, gitane de luxe qui a commencé à parier au Casino à l’âge de 13 ans, choisissant par la suite de jouer avec l’argent des autres… La mondaine laissera en tout 30 millions sur le tapis vert du Casino de Monte-Carlo où en un soir, elle perdit 1 million de francs or…
« Bientôt le dernier casino en Europe où l’on peut jouer à la roulette européenne »
Aujourd’hui, Monaco conserve une place prédominante dans le monde du jeu, car l’offre reste unique. « Vegas ou Macao, c’est un autre monde. En Europe, le casino de Monte-Carlo est une exception. On propose un mix de jeux complètement différent. Ailleurs, il y a à 90% des machines à sous, et 10% des jeux de table. Ici, c’est 50/50! Seuls 2 ou 3 clubs anglais n’ont que des tables », rappelle ainsi Jean-Luc Biamonti, président délégué de la Société des Bains de Mer, qui a le monopole des jeux en Principauté depuis 1863. Le dirigeant de la SBM en est convaincu : Monaco sera « bientôt le der-nier casino en Europe où l’on peut jouer à la roulette européenne »… Si par le passé, les jeux européens (roulette) et américains (black jack) avaient chacun leur site, le Café de Paris et le Grand Casino concentrent aujourd’hui l’offre de jeux monégasque (en dehors des casinos éphémères ouverts l’été). Le Sun Casino, à l’Hôtel Fairmont (ancien Loewe’s et refuge des Américains) n’a pas rouvert depuis le Covid et la SBM a anticipé la fin de contrat de bail en 2023, opérant ainsi une économie de 8,5 millions d’euros par an de loyer.
Un chiffre d’affaires jeux de 200 millions d’euros
Après une période de crise Covid marquée par une fermeture historique en mars 2020 (une situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale), le casino a repris des couleurs. Pour l’exercice 2021/2022, le groupe casinotier a réalisé un chiffre d’affaires jeux de 200,8 millions d’euros (l’activité jeux reste cependant inférieure de 16 % à celle enregistrée lors de l’exercice 2019/2020). Le Grand Prix 2022 a d’ailleurs été un très bon cru avec une forte présence de la clientèle latino-américaine. Depuis quelques années, le ca-sino déploie sa stratégie pour draguer une clientèle fortunée. Ces « High Rollers » que Vegas et Macao s’arrachent, pouvant flamber en une soirée des millions d’euros. Les gros groupes internationaux concurrents font en effet venir ces grosses fortunes en jet privé et limousine. La SBM les chouchoute, elle, à coup de tournoi de roulette inédit à 1 million de dollars ou de soirées privées sur la scène de l’opéra de Monte-Carlo ou sous la coupole du Bay… « Le concept est très exclusif, les joueurs adorent ça et on va continuer cette politique », souffle Jean-Luc Biamonti, confiant.
Mieux, l’Hôtel de Paris propose une suite de luxe aux clients capables de répondre à l’exigence d’un dépôt s’élevant à… un million d’euros. Cette suite royale baptisée Monte-Carlo peut se transformer en salle de roulette ou de Punto Banco. Croupiers, personnel de chambre, superviseur, service de sécurité ou valet de pied, sont alors affectés à cette chambre exceptionnelle pour garantir au client les mêmes conditions de jeu que dans un salon VIP.
La société monégasque, qui compte parmi ses actionnaires LVMH et Galaxy – le groupe casinotier de Macao -, n’a pas d’autre choix que de séduire aussi les jeunes générations et le segment des « fun players ». C’est pourquoi le casino monégasque a abrité une première mondiale en 2020: l’extension numérique de la tradition-nelle roulette française. Un écran tactile permet de suivre le jeu en live et de miser. « Les clients plus jeunes jouent à la roulette devant une machine, l’interaction est moins impressionnante pour des personnes qui ne sont pas habituées au décorum », explique le président délégué de la SBM.
Miléna RADOMAN