A Monaco, l’OMT est devenu au fil du temps le conseiller privilégié des employeurs et des salariés en matière de santé, d’hygiène et de sécurité.
A Monaco, la problématique de la santé au travail relève, depuis 1958 (avec la loi n° 637 du 11 janvier 1958), d’une entité autonome : l’Office de la Médecine du Travail. A l’époque, il était question de « veiller, notamment, à la prise en compte de l’impact des nouveaux modes de production sur la santé des salariés : l’homme face à la machine. » Les temps ont changé et au fil des décennies, nous avons basculé « indubitablement d’une médecine axée sur le seul contrôle du salarié – laquelle, bien que désuète en pratique, pouvait encore se concevoir il y a quelques dizaines d’années – à une médecine de prévention et de conseil des salariés comme de l’employeur », observait le rapporteur de la loi de 2017 réformant la Médecine du Travail, Caroline Rougaignon-Vernin. Une réforme indispensable pour s’adapter à la réalité.
Conseiller privilégié des employeurs et des salariés en matière de santé, d’hygiène et de sécurité, l’OMT est chargé de veiller à la santé des salariés tout au long de leur parcours professionnel en Princi-pauté. « Pour répondre à sa mission, l’OMT dispose d’une équipe pluridisciplinaire associant médecins chargés de réaliser le suivi médical des salariés, infirmières et Intervenants en Prévention des Risques Professionnels (IPRP) qui permettent de compléter l’activité médicale par des actions personnalisées en milieu du travail, en collaboration avec les employeurs », explique la directrice Pascale Pallanca. Ces préventeurs assurent des contrôles de bruit, tempé-rature et hygrométrie, pollution atmosphérique, recherchent des produits chimiques dangereux, et réalisent des études ergonomiques des postes. « Il est par exemple important de voir si les salariés qui restent sur leur écran toute la journée adoptent une bonne position pour éviter les problèmes au niveau du rachis cervical ainsi que les TMS (troubles musculo-squelettiques) », observe le médecin du Travail Christine Bourguet.
Une vigilance accrue sur les postes à risque
Depuis la réforme de 2017, exit la visite médicale préalable systématique à l’embauche pour juger de l’aptitude d’un salarié. Celle-ci est désormais réservée aux « postes à risques ». « Il s’agit entre autres des activités exposant à des produits chimiques, à des agents cancérogènes, à un risque de blessure ou de chute… », liste le docteur Bourguet. Test urinaire par bandelette pour le dépistage du diabète, électrocardiogramme, hypertension oculaire peuvent y être pratiqués. « Il existe à Monaco une véritable politique de prévention des pouvoirs publics avec un plateau d’examen considérable : dépistage du cancer colorectal, vaccination si besoin au tétanos, lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme et les maladies contagieuses. »
Veiller au respect de la loi
A Monaco, seules les grandes sociétés à activité commerciale de plus de 500 salariés (et de plus de 50 salariés pour les activités industrielles et du bâtiment) ont l’obligation de tenir tous les 3 mois une réunion du comité d’hygiène et de sécurité. Lors de ces réunions, les préventeurs peuvent assister le médecin du travail et connaissent donc l’entreprise ou le chantier. Pour les autres, « ces interventions, effectuées par le pôle prévention à la demande du médecin ou de l’entreprise, représentent un véritable plus, permettant un diagnostic technique sur une problématique particulière ; ce ser-vice est gratuit. C’est tout bénéfice pour l’entreprise », juge Pascale Pallanca, Directrice du Travail et de l’OMT. « L’Inspection du Travail contrôle de son côté si les entreprises respectent la législation et rappelle les normes applicables (pièces avec une fenêtre, absence de poussière, luminosité, etc.) ».
Quant à la prévention des TMS, « ce rôle de prévention des risques est abordé lors de la visite médicale du travail », précise le Dr Christine Bourguet selon qui, toutes les grandes structures font appel à des intervenants dédiés. Par exemple, « un hôtel, le Monte-Carlo Bay, qui s‘était rendu compte que les femmes de chambres ressentaient des douleurs chroniques, à force de changer les draps et les couettes à répétition, ont mis en place des ergo lits ainsi qu’une séance d’échauffement musculaire avant la prise de poste tous les matins en collaboration avec l’école du dos », note-t-elle.
Une explosion de burn-out ?
Contrairement à d’autres pays comme la France, la prévention des risques psycho-sociaux n’est pas inscrite dans la loi. Depuis le Covid, il a fallu être particulièrement vigilant. Les cas de dépression ou de burn-out ont explosé en Europe. La faute à des amplitudes horaires très importantes pendant le télétravail imposé, des difficultés à différencier la vie professionnelle et la vie personnelle, ou encore une perte de sens. Certaines personnes décompensent, s’écroulent psychologiquement et peuvent faire l’objet d’hospitalisation. En 2021, l’Organisation Mondiale de la Santé a tiré la sonnette d’alarme au sujet des soignants, signalant que les médecins, infirmiers et autres membres du personnel médical présentent des niveaux d’anxiété et de dépression plus élevés que les autres groupes professionnels (en se basant sur une étude publiée dans le British médical journal portant sur 2 884 agents de santé aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni).
Le burn-out n’est pas reconnu comme maladie professionnelle dans la législation monégasque. « C’est un syndrome d’épuisement difficile à quantifier. Le problème est multifactoriel et mélange des problèmes liés aussi bien à la vie privée et à la vie professionnelle, on parle d’ailleurs aujourd’hui de burn-out parental, rappelle le Dr Christine Bourguet. Il concerne des personnalités perfectionnistes, et se manifeste par un retrait par rapport à l’équipe. La personne se consume, s’autobrûle au fur et à mesure. Elle n’arrive même plus à se lever. Parfois, c’est l’employeur ou un collègue qui nous alerte lorsqu’un salarié décroche, montre des signes avant-coureurs d’irritabilité, et demande une visite médicale. » Au-delà du burn-out, « le travail à distance imposé par le Covid a pu provoquer chez certaines personnes le sentiment d’être isolé socialement, à l’écart de l’entreprise. Surtout chez les personnes n’ayant pas de vie de famille ni de vie sociale pendant la crise. Le risque est d’être trop connecté, hyperconnecté. C’est visible avec un salarié qui envoie des mails 24H sur 24, et ne fait jamais de coupure. Il faut un minimum de discipline, d’hygiène de vie par rapport à la sédentarité ! » rappelle le médecin du travail.
Aujourd’hui, d’autres maladies sont liées au tra-vail. Le Bore-out, un épuisement professionnel causé par l’ennui et la sous-charge de travail pouvant mener, selon les chercheurs, à une dépression, des crises d’épilepsie ou encore pire, un suicide. Quant au Brown-out, qui se traduit par «coupure d’électricité / baisse de tension », il s’agit là d’un salarié qui n’en peut plus d’avoir des tâches absurdes à accomplir… Le salarié se met alors peu à peu en retrait, n’estimant pas avoir été recruté pour ses valeurs et ne se sent plus utile pour l’entreprise. Il perd toute motivation et souhaite être absent de plus en plus. « Nous n’avons pas constaté ce type de cas », indique le médecin du travail. Du moins pour l’instant…
Miléna RADOMAN