Le groupe de travail Monaco Finance Durable suggère que la proposition des banques monégasques en termes d’allocation d’actifs repose intégralement sur des supports durables, si le client demande un mandat de gestion. Pour Jean Castellini, « ce serait un message fort que la plupart des investissements réalisés depuis Monaco pour les comptes des clients utilisent une stratégie ESG ! » Dans cette interview, le conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Economie et des Finances fait également point sur la coopération fiscale.
Comment jugez-vous le développement de la place financière ?
La place connaît une tendance positive. Son développement doit s’appuyer sur deux créneaux (qui sont, et ce n’est pas un hasard, les principaux thèmes de l’Expo Dubaï 2020): la connectivité et la durabilité.
Dans un monde interconnecté, il faut avoir une grande disponibilité pour ses clients, qui ont besoin d’interroger leur compte en ligne, de réaliser leurs opérations à distance, sans pour autant désintermédier totalement la profession bancaire. C’est déjà le cas à Monaco comme ailleurs ; le mouvement s’est amplifié depuis la crise de la Covid, mais il faut aller encore plus loin.
Les clients privés s’attendent à avoir à disposition les meilleurs experts à travers le monde, grâce aux nouvelles technologies. Dans le cadre des investissements durables du Fonds de Réserve Constitutionnel, nous avons été nous-mêmes en relation via Zoom ou Teams avec des experts sans que ces personnes n’aient à traverser la Manche ou l’Atlantique.
Vous avez créé un groupe de travail Monaco Finance Durable au printemps 2021. A-t-il abouti à des propositions concrètes?
Oui et elles verront le jour en 2022. Nous sommes partis du constat que toutes les banques de la place sont filiales de groupes bancaires internationaux et qu’elles doivent offrir au moins la même qualité de conseil et service en matière d’investissement ESG et de développement durable, que leur société mère ou les autres filiales à travers le monde.
C’est pourquoi Monaco Finance Durable propose que les établissements monégasques désignent un référent durabilité. Mais également que la proposition en termes d’allocation d’actifs repose intégralement sur des supports durables, si le client demande un mandat de gestion. Ce serait un message fort que la plupart des investissements réalisés depuis Monaco pour les comptes des clients utilisent une stratégie ESG !
Certaines banques comme UBS offrent déjà par défaut des investissements ESG. Comptez-vous l’imposer à tous les établissements financiers monégasques ?
Nous ne voulons obliger ni les banques ni les clients. La démarche doit être incitative. Elle doit intégrer une dimension intuitive. La difficulté qu’on peut avoir parfois Ue l’ai expérimentée moi-même en tant qu’investisseur institutionnel), c’est que les instruments de mesure utilisés en matière de reporting financier sur vos investissements ne sont pas très intuitifs.
Il n’y a pas de norme unique en matière de placement durable. Il existe des taxonomies, des principes pour l’investissement durable comme ceux des Nations-Unies, des philosophies qui peuvent varier d’un pays ou d’un continent à l’autre voire d’une institution à l’autre. Certains établissements financiers ont même leur propre manière de s’auto-estimer durable. Il faut à l’avenir parler une langue commune que tout le monde comprend : tonne de CO2, tonne de déchets, gallons ou litres d’eau économisés …
En parlant de votre investissement, 20 ans en arrière, votre gestionnaire de fortune vous aurait dit que vos placements (50% actions 50% obligations par exemple) vous ont rapporté X% avec une volatilité de Y. Désormais, il dira que, grâce à votre investissement, ont pu être économisés l’eau de X piscines olympiques, ou l’équivalent CO2 de Y aller retours en classe business Paris-New York. Ainsi la santé de la planète, mais aussi celle de vos finances, ont pu être améliorées … C’est plus concret, plus parlant pour l’investisseur.
Milena Radoman