Le 17 novembre, une projection-débat du film de Clara Laurent « Herbert Traube, le destin français d’un indésirable » est organisée au théâtre des Variétés par l’association Devoir de Mémoire. L’occasion de rencontrer un combattant contre l’oubli.
Dès la première rencontre avec Herbert Traube, la journaliste-autrice Clara Laurent n’eut aucun doute : « Il m’apparut clairement qu’il fallait faire un film documentaire sur cet homme exceptionnel. Il y avait même urgence. » Produit parNina productions, avec le soutien de l’association monégasque « Pour le Devoir de Mémoire », « Herbert Traube, le destin français d’un indésirable » retrace en 1h30, l’histoire de ce rescapé de la Shoah, résistant, légionnaire soldat de la Libération. La vie rocambolesque de l’un des derniers témoins vivants de cette sombre période de l’Histoire.
Né juif autrichien à Vienne en 1924, témoin de l’Anschluss, persécuté par les nazis, Herbert Traube est interné dans des camps français de 1940 à 1942. Après avoir résisté à Marseille, il s’évade d’un train en marche vers les camps de la mort. Il s’engage alors à 18 ans dans la Légion étrangère et devient soldat de la Libération. De 1945 à 1947, ironie de l’histoire, il doit former des Allemands prisonniers de guerre – d’anciens nazis voire SS pour beaucoup d’entre eux – engagés dans la Légion et s’embarquer avec eux en Indochine…
Naturalisé français en 1949, Herbert s’installe en région parisienne où il fonde une famille. En 1989, il est élu conseiller municipal du village de Sainte-Agnès (Alpes-Maritimes). Il devient maire-adjoint en 1990. Ainsi, cet émigré devenu « français non par le sang reçu mais par le sang versé » (formule de la Légion étrangère qu’Herbert aime à citer) sera un élu de la République française au service de ses concitoyens jusqu’en 2008…
L’enjeu de ce documentaire sélectionné pour la dixième édition du festival d’Amnesty International “Au Cinéma pour les Droits Humains” est bien entendu de « sensibiliser au poison de l’antisémitisme et aux mécanismes menant à la barbarie. Il fallait qu’Herbert – 98 ans ! – puisse témoigner des mécanismes de la montée du nazisme en Autriche. Témoigner du glissement d’une population vers la haine antisémite. Qu’il puisse raconter, lui qui l’avait vécu dans sa chair, comment de « paisibles bourgeois étaient devenus des bêtes enragées ». Ce témoignage-là était crucial, à une époque où les derniers témoins disparaissent », explique Clara Laurent. Projeté dans plusieurs villes depuis un an, notamment à Paris au Mémorial de la Shoah, « Herbert Traube, le destin français d’un indésirable » sera projeté au Théâtre des Variétés de Monaco le 17 novembre prochain. Il sera également montré aux scolaires dans la journée. Le film, qui inclut des séquences animées réalisées par Thibault Chimier, en plus des images d’interviews et les archives audiovisuelles et photographiques d’époque, « est accessible au jeune public », souligne Clara Laurent.
« Un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre »
« Rendre hommage à ceux qui furent internés, déportés ou anciens résistants pour leurs activités patriotiques, leurs origines ou leurs opinions », c’est la mission que s’est assigné Devoir de mémoire, créé en 2011. Présidée par Pierre Brière, l’association monégasque appelle toutes les personnes aimant l’Histoire, à rejoindre ce collectif uni « sans distinction de nationalité, de tendance, de conception philosophique, politique ou religieuse », afin de participer à cette tâche de devoir de mémoire. L’association organise différentes actions pour sensibiliser le public : expositions, conférences et projections. Son mot d’ordre : « Un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre » comme le rappelait Winston Churchill.
Miléna Radoman