Pour le Délégué Interministériel, l’intelligence artificielle (IA) est un axe stratégique majeur pour le secteur financier monégasque. A condition de maîtriser les données utilisées.
« Les 2 erreurs à commettre seraient de ne rien faire ou de faire une confiance aveugle à la machine. Dans les deux cas, Monaco perdrait » avertit Frédéric Genta, Délégué Interministériel à l’Attractivité et la Transition numérique. Chaque pays ou région a en effet sa stratégie propre. « Dans l’approche américaine, l’IA est avant tout l’innovation au service de la croissance économique avec un partenariat public privé qui est financé notamment par les universités. Le modèle américain est techno libéral, c’est-à-dire « je regarde ce qui marche et je régule après »… Contrairement au modèle européen, basé sur la régulation avec l’IA Act ou le modèle planificateur existant en Chine », a comparé Frédéric Genta, devant les banquiers de la place monégasque, lors du Wealth-Tech Summit donné fin octobre 2024 au One Monte-Carlo portant sur : « Intelligence artificielle et investissement : les nouvelles frontières de la finance ». Le Monsieur Attractivité de la Principauté mettant également en exergue « les modèles agiles des villes états qu’on prend généralement en exemple à Monaco (Singapour, les Émirats arabes unis). Ils sont pragmatiques et veulent faire de l’IA un outil leur permettant d’incarner la ville modèle dans un domaine, que ce soit en matière d’éducation, de santé ou de smart city. »
Pour le délégué à l’Attractivité, il n’y a pas de doute. La finance et le Wealth Management sont les clients privilégiés de l’IA. « Ces entreprises sont celles qui vont le plus en consommer et le plus en bénéficier » note-t-il, chiffres à l’appui. JP Morgan emploie déjà ainsi plus de 2 000 experts en IA, qui travaillent sur environ 400 cas d’utilisation dans les domaines du marketing, de la gestion des risques et de la fraude, tandis que Bank of America gère un portefeuille de 800 brevets liés à l’IA. « L’essor des outils d’IA dans l’industrie financière est spectaculaire » comme le montrentle système de BlackRock, appelé Aladdin (qui permet aux entreprises de gérer leur portefeuille d’investissements), le lancement de Bloomberg GPT en 2023, ou encore le robot conversationnel de Morgan Stanley développé par OpenAI…
« Un nouveau monde s’offre à vous »
L’ensemble du secteur financier investit d’ailleurs massivement afin de devenir compétitif. On estime à 97 milliards de dollars les dépenses du secteur financier d’ici 2027, ce qui en fait le premier secteur hors Tech en termes d’investissements dans l’IA. Avec l’espoir de générer 170 milliards de dollars de croissance des bénéfices grâce à cet investissement… Selon une étude récente de McKinsey, 3 à 5% des revenus du secteur pourraient être ainsi liés à l’IA. « Plus la data est précise, plus vous gagnez de l’argent. Vous ne touchez que 10% de vos données aujourd’hui. Un nouveau monde s’offre à vous, un monde de performances pour vos clients. Un nouveau challenge s’offre à vous de trouver quelque part votre place par rapport aux collègues. L’enjeu est clairement business », s’est réjoui Frédéric Genta devant les banquiers de la place monégasque, lors du Wealth-Tech.
« Trois supers pouvoirs »
En clair, l’intelligence artificielle est un axe stratégique majeur pour la Principauté de Monaco, qui doit surfer sur « ses trois supers pouvoirs ». Soit « sa capacité à automatiser des tâches qui n’ont pas beaucoup de valeur pour un être humain, tout en étant chronophages », « à anticiper l’avenir (l’intelligence artificielle peut, par exemple, anticiper les risques de « grande vague », comme les vagues de submersion qui touchent parfois la Principauté, ou prédire la probabilité d’avoir un certain type de cancer dans les cinq ans, à partir de données actuelles) » mais aussi de « sa puissance cognitive inégalée ».
Pour la Principauté, il faut donc « une stratégie d’IA raisonnée, qui passe notamment par la maitrise des données. Une place financière moderne qui maîtrise l’IA, c’est une place financière attractive, c’est tout ce que souhaite le Gouvernement » ajoute Frédéric Genta pour qui l’intelligence artificielle redessine les contours de la finance. « Le potentiel est considérable, mais il y a également trois grands défis : légiférer rapidement pour être aligné avec le cadre européen et les grandes normes internationales, former les salariés pour favoriser l’adoption et l’usage de l’IA et faire émerger en interne avec l’aide d’experts les bons outils pour transformer l’organisation et ses processus », avait-il plaidé il y a quelques mois dans L’Observateur de Monaco. Ce qui suppose une adaptation du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) autour de “l’intelligence artificial act”. Soit le tout premier cadre juridique complet sur l’IA dans le monde dont l’objectif est de favoriser une IA digne de confiance en Europe et au-delà, en veillant à ce que les systèmes d’IA respectent les droits fondamentaux, la sécurité et les principes éthiques et en s’attaquant aux risques liés aux modèles d’IA très puissants et percutants.
Un génie numérique pour choisir les meilleurs investissements
Chez BlackRock, l’IA est au cœur de la politique d’investissements. Le premier gestionnaire d’actifs au monde a mis au point une plateforme informatique révolutionnaire, Aladdin (Asset, Liability, Debt & Derivative). Ce génie numérique, composé de centaines d’ordinateurs et serveurs, permet de déterminer les meilleurs investissements sur les marchés. « L’IA nous a donné les moyens d’analyser des données qui étaient auparavant trop complexes », a expliqué Simon Weinberger, Directeur Général de BlackRock et responsable de son équipe Systematic Active Equity, lors du sommet Wealth-Tech à Monaco. BlackRock utilise ainsi un système qui analyse de grands volumes de données de marché pour identifier des tendances et des modèles, y compris des données non structurées telles que le comportement des consommateurs et les réseaux sociaux. Il permet même en temps réel de vérifier les productions industrielles ou le nombre de camions sur les routes… Le système Augmented Investment Management (AIM) combine apprentissage automatique et expertise humaine pour optimiser les modèles d’investissement et améliorer les rendements pour les clients.