« Il n’est pas nécessaire d’être un grand pays pour avoir de grands rêves, ni d’être nombreux pour les réaliser. » Cette citation connue du prince Rainier résonne encore chez beaucoup de Monégasques. Le documentaire qui lui est consacré « Rainier III par lui-même » permet de renouer avec la parole de l’ancien chef d’État. Une parole libre qui permet de mieux comprendre à la fois l’homme et l’homme d’État.
Qui mieux que le Prince Rainier pouvait raconter son règne et l’évolution du pays durant ces 56 années ? C’est le pari audacieux qu’ont relevé Yann-An-tony Noghès et le Comité de Commémoration du Centenaire ; le fil rouge du documentaire « Rainier III par lui-même ». Le journaliste producteur, conseillé par Thomas Fouilleron et Vincent Vatrican, respectivement directeurs des Archives du Palais princier et de l’Institut Audiovisuel de Monaco, a puisé dans plus de 840 documents d’archives et une centaine d’heures d’interviewes où Rainier III balaye tous les sujets. « Le Prince a souvent eu l’image d’un homme taiseux et réservé. Entre 1949 et 2005, il a pourtant accordé des dizaines d’interviewes et lorsqu’il se sentait en confiance, il se livrait en tant qu’homme avec beaucoup de sincérité », explique le réalisateur, qui a passé de nombreuses heures, casque aux oreilles, à écouter l’ancien chef d’État.
Trajectoire
Lors de ces entretiens – notamment avec les grands noms de la TV et de la radio française Jacques Chancel ou Léon Zitrone -, Rainier III se raconte. Explique la trajectoire d’un enfant solitaire, qui, après avoir vécu un calvaire en pension en Angleterre, moqué par ses “camarades” tant sur son statut de prince étranger que sur son physique, est monté sur le trône en 1949 et « a épousé la plus belle femme du monde »… « C’est un premier pied de nez, à l’image de la vie d’un homme dont l’obsession était d’inspirer le respect en modernisant son pays », note Yann-Antony Noghès. « Quand il hérite du trône de Monaco, la Principauté était la belle endormie, entre les mains d’un vieil homme, qui souffrait d’une image de principauté d’opérette ».
Au sortir de la guerre, Monaco échappe de justesse à une annexion de la France. Le résistant français Raymond Aubrac, alors commissaire de la République, présente « un plan permettant d’annexer la Principauté ». Réponse de De Gaulle : « Si vous l’aviez fait sans me le dire, je vous aurais blâmé officiellement mais approuvé personnellement. Vous me demandez l’autorisation, je dois vous la refuser. » Ou quand une simple question de forme change la face d’un pays…
D’un pays fragile à une entreprise qui tourne
Le Prince Rainier connait la fragilité de son petit Etat. « Il disait lui-même que Monaco était à bout de souffle. Le palais se lézardait, les touristes ne venaient plus… En un demi-siècle, il a transformé la Principauté. » Comme un symbole, L’Express reconnait cette mutation avec sa Une consacrée à « Monaco de l’opérette à la multinationale ». « A la fin de son règne, Monaco est un Etat indépendant, autonome, reconnu par l’Onu et le Conseil de l’Europe… » Mitterrand a reconnu les eaux territoriales et l’espace aérien en 1984. Et surtout, le Prince Rainier en finit avec le traité de 1918 définissant le protectorat français. Selon ce texte, Monaco risquait un jour de se fondre dans le département des Alpes-Maritimes en cas d’absence d’héritiers directs ou adoptifs de la Couronne…
Pour arriver à ce résultat, « le Prince Rainier jouait avec les limites et repoussait les frontières », rappelle Yann-Antony Noghès. « En 1956, la France avait tenté de s’opposer au mariage avec l’américaine Grace Kelly. La réplique de Rainier au Consul Général de France est sans appel : « Personne ne me dictera qui je peux épouser ou pas ». Mieux, la France, qui a un droit de regard sur les nominations princières, refuse qu’il recrute un Conseiller de Gouvernement américain ? Peu importe. Rainier III embauche Martin Dale en conseiller privé pour attirer des sociétés étrangères sur le sol monégasque. Pas à n’importe quel moment : « L’ordonnance est datée 6 jours avant la venue de De Gaulle à Monaco à Monaco. Le Général a d’ailleurs prévenu qu’il refuserait de rencontrer ce conseiller au Palais… » Ce même Martin Dale assistera, caché, au clash du Prince Rainier avec son ministre d’Etat français Emile Pelletier, l’étincelle qui allumera la crise franco-monégasque de 1962… Une guerre fiscale qui amènera au « blocus de Monaco » : la nuit du 12 au 13 octobre 1962, une escouade de douaniers débarque à la frontière franco-monégasque, provoquant dès le lendemain des embouteillages importants, De Gaulle menaçant même d’envoyer les chars…
Un cliché provocateur du prince Rainier portant le masque du Général illustre bien toute la complexité de la relation entre les deux pays amis ces années-là… « Dans son bureau, Rainier III avait un tableau, « L’appel des dernières victimes de la Terreur », sur lequel figurait une princesse de Monaco décapitée, note le journaliste. Il aimait le montrer à ses visiteurs en leur disant: « Regardez ce que la France nous a fait ».
Prince visionnaire
Durant tout son règne, Rainier III se montre visionnaire, ose les clashs avec le Conseil National et les arbitrages coûteux – et contestés – comme la mise en souterrain de la ligne de chemin de fer, ou l’extension maritime de Fontvieille qui changeront radicalement le visage de la Principauté et contribueront à son développement fulgurant. Le Prince ose les coups de poker. « Il maitrise l’art du compromis, en homme pragmatique qui vise l’efficacité. Ainsi, ce prince conservateur, qui a une vision libérale de l’économie, n’a pas hésité à procéder à une nationalisation de la SBM quand il en a eu besoin ! » observe Yann-Antony Noghès qui s’est appuyé sur les mémoires de son directeur de cabinet Claude de Kemoularia, pour dépeindre sa reprise en main de la SBM dont Aristote Onassis était actionnaire majoritaire depuis 1953. En 1966, Rainier III use alors d’un stratagème audacieux : il dépose un projet de loi nationalisant quasiment le fleuron de l’économie monégasque alors que le magnat grec vient de partir en croisière… Onassis est contraint de vendre ses parts. « C’est un Grimaldi, donc extrêmement stratège et malicieux », commente en souriant le réalisateur. Pour la petite histoire, au moment de signer la transaction, le Directeur du Cabinet princier propose son stylo, manifestant sa défiance vis-à-vis d’Onassis. Il se murmurait en effet que l’homme d’affaires impi-toyable avait signé, quelques années plus tôt, des promesses d’achat au Proche-Orient à l’encre sympathique…
Grâce à ces nombreuses interviewes, se dessine la personnalité d’un homme, d’un chef de famille protecteur, devenu un homme d’Etat, qui se méfiait des courtisans et défendait bec et ongles le régime monarchique. « Ce Prince a réussi à mettre un pays d’1,5km2 – au début de son règne – sur la carte du monde », souligne Yann-Antony Noghès, dont certains membres de la famille ont travaillé étroitement avec le prince. Son grand-oncle Paul Noghès en tant que Directeur de Cabinet et Antony Noghès, fondateur du Grand-prix de Monaco et Conseiller National.
Ce documentaire nous fait plonger dans ces 50 ans de règne, au travers des voix si radiophoniques du Prince Rainier et de l’actrice Fanny Ardant. Grâce à lui, on (re)découvre des confidences oubliées. « A cette époque-là, si on ratait la retransmission d’une émission de radio ou de télévision, il n’y avait évidemment pas de replay… », rappelle le réalisateur. Ce film, qui a fait carton plein au Grimaldi Forum lors des projections des 4 et 5 juillet, vivra, lui, sa vie sur Monaco Info et TV Monaco avant de partir sans aucun doute sur d’autres ondes à l’étranger.
Pour poursuivre cette immersion, Monaco Economie vous livre ici certains verbatims de ces émissions oubliées, que « Rainier III par lui-même » a permis de remettre en lumière.
UNE ENFANCE SOLITAIRE
« J’ai eu une enfance qui a peut-être manqué un petit peu de foyer, d’ambiance familiale, puisque mes parents ont divorcé quand j’avais six ans. Et après ça a été une enfance un peu chahutée. Nos vacances étaient partagées entre être avec mon père et être avec ma mère. Il manquait si vous voulez, le noyau familial que j’ai voulu essayer de faire sentir très fort à mes enfants. »
LA PRINCESSE CHARLOTTE, UNE MÈRE « CAMARADE »
« C’est une femme qui avait beaucoup de charme, une grande per-sonnalité, beaucoup d’originalité. Elle n’était pas du tout maternelle, sévère, charnelle, autoritaire avec nous. C’était plutôt une copine, si j’ose dire. Une camarade. Elle habitait Marchais. On allait chez elle très volontiers. C’était un autre style de vie. Elle avait un élevage de 32 fox terrier, que je détestais parce qu’ils étaient agressifs et désagréables. »
LA DOULOUREUSE ÉTAPE DU PENSIONNAT
« Vous savez, ce sont des méthodes où on vous donne des coups de canne. Moi j’en ai eu, je n’ai pas honte de le dire. Et puis on vous fait travailler le matin, nettoyer les bureaux des aînés ou leur faire leurs chaussures, faire la vaisselle. (…) ça m’a un petit peu révolté. Ça ne me plaisait pas du tout de faire ce genre de travail. Mais je pense que finalement ça a été très très bénéfique. »
« J’ai été à l’école en Angleterre et j’ai conservé de mon séjour cette règle anglo-saxonne qui est extrêmement bonne. (…) C’était “Never kick a man when he’s down” : Ne donnez jamais un coup de pied à un homme quand il est à terre. »
L’APPRENTISSAGE DU MÉTIER DE PRINCE
« La seule préparation que j’ai eue, c’est au fond les quelques conseils ou recommandations de mon grand-père et des personnes qui composaient son entourage ou son cabinet. »
« On ne peut pas apprendre ça dans les livres. (…) La finance, il a fallu que je l’apprenne moi-même. Mais je pense que toute la structure légis-lative de la Principauté, toutes les ac-tivités administratives, l’organisation gouvernementale et administrative, tout ça, ça doit s’apprendre sur place, c’est la meilleure façon de faire. »
SES LEITMOTIVS
« Je suis un Rocher, ni ne sème ni ne récolte et pourtant veux vivre. Ce dicton de la sagesse populaire prouve que l’adaptation est néces-saire et inéluctable pour assurer non seulement sa survie mais son souci permanent de progresser dans tous les domaines et pour le meilleur. » (vœux 1971)
« C’est des jeunes que je voudrais être écouté et entendu. Mon propos n’est pas de faire des phrases vides de sens et de faire des vaines promesses pour le présent et l’avenir. (…) Mais je voudrais intéresser la jeunesse monégasque aux destinées de leurs pays. Nos jeunes compatriotes ne peuvent ni ne doivent rester insensibles à celle-ci et rester en dehors de la vie politique et économique de leur patrie. » ( vœux 1971)
« Vous tous Monégasques et étrangers qui vivez dans cette principauté encore privilégiée et préservée de toute crise grave, (…) songez à tout ce que vous devez à ce petit pays. Prenez conscience de la fragilité de votre Etat et de la situation de ce pays que toute crise peut définitivement compromettre. (…) Prenez conscience mes amis de votre responsabilité face à ceux qui veulent en troublant l’ordre public avec des manifestations sans cause ni raison ou par des arrêts de travail répétés et sans justification sociale créer un climat de confusion et de découragement pour finalement uniquement servir des intérêts politiques qui ne sont pas les nôtres. Que ceux-là qui le comprennent bien que demain où des emplois seront menacés, ils ne récolteront que la faillite ou le reproche. » (vœux 1974)
LA SOLITUDE DU POUVOIR
« La fonction de souverain d’un petit Etat, minuscule, (…) c’est une position très solitaire. Et quand on regarde autour de soi, on se de-mande comment préserver ce miracle de la Principauté, ce petit Etat indépendant qui au fond garde son indépendance grâce à une largesse de la France. C’est très solitaire et en même temps, c’est très encoura-geant, c’est une grande famille. Les Monégasques regardent le prince comme un pouvoir paternel avec un côté de bienveillance. Je crois que c’est Vauvenargues qui avait dit qu’il aurait voulu être ou prince de Monaco pour pouvoir connaître tous ses sujets ou Tsar de Russie pour en connaître aucun. On est un peu frustré dans la position de Prince. »
« Il y a deux races de courtisans. Il y a ceux dont on connaît le salaire et puis ceux dont on ne connaît pas le salaire. (…) Il y a les gens qui cherchent à profiter de la situation, ça se voit très vite et puis on s’en méfie, on réagit. (…) je suis un petit peu inaccessible, je pense. Je me suis rendu inaccessible en tous cas. »
« La fonction de Prince depuis tous temps – et surtout ici où nous sommes sur les bords de la Méditerranée où il y a quand même un peu l’esprit d’intrigues des cours florentines – est un métier isolé, solitaire. Il faut quand même se méfier, aussi bien de ses flatteurs que de ses détracteurs. »
LUTTER CONTRE L’ETIQUETTE DE PARADIS FISCAL
« C’est une image que j’ai toujours voulu essayer de combattre et de détruire. J’aurais voulu que la Principauté soit prise plus au sérieux. C’est un pays où l’on se divertit certes mais c’est également un pays où l’on travaille énormément. J’en veux pour preuve que nous avons installé plus de 600 industries, petites certes mais il y a une diversification, dont nos ressources qui nous permettent de vivre agréablement avec une certaine prospérité qui peut agacer certains groupes ou certaines personnes. La principauté, c’est autre chose qu’un pays d’opérette ou un paradis fiscal. »
LES DIFFICULTES DU DEBUT
« Pour un jeune homme, c’était difficile de se heurter à la routine, des habitudes prises, et puis je dois dire que la difficulté la plus importante pour moi, ça a été de découvrir ce qu’était une administration avec toute la force d’inertie que ça représente. »
« On apprend très vite à se méfier des gens, il faut faire très attention. Étant jeune, on a tendance à donner sa confiance un peu vite. Et puis quelquefois il vous en cuit. Et ça, il faut se durcir contre ça. »
LE RAPPORT DE RAINIER AU POUVOIR
« Je trouve que la décision doit tou-jours être prise par un seul homme. Mais dans l’exercice du pouvoir, il est très bon, indispensable de toujours prendre le plus d’avis possible et même de les convoquer. Ensuite, quand on a pu faire l’analyse, faire décanter tout ce qu’on a entendu, on est en position de prendre une déci-sion mais la décision doit appartenir à un seul. »
« Rien dans la Constitution n’indique que le prince est un monarque absolu puisque c’est une monarchie constitutionnelle qui est tenue par les lois. Je suis de temps en temps autoritaire, peut-être par réaction quelques fois devant ce qui est un poids considérable qui est l’inertie de l’administration. Car l’adminis-tration, c’est un peu comme le Vatican, on se dit “j’ai l’éternité pour moi”. Or il y a quand même des décisions qui doivent être exécutoires rapidement. Alors là je deviens parfois un peu autoritaire parce que les gens en face de moi n’ont pas la même réaction. Et parce qu’ils ne sont pas aussi pressés de voir une décision appliquée. »
« Un prince doit s’occuper de tout dans son pays. Il doit être l’initiateur de la plupart des politiques économiques, sociales ou politiques. Tout en restant toujours au-dessus de la politique. Je crois qu’il ne faut jamais qu’il descende dans l’arène. Il faut qu’il soit l’arbitre et le conciliateur. »
« Je suis le chef d’Etat de la principauté mais il y a beaucoup de facettes dans le rôle du Prince de Monaco. Je suis aussi chef d’entreprise je crois et aussi un promoteur de la Principauté. »
LE DEVELOPPEMENT DE MONACO
« On a dit que je passerai pour un bâtisseur. Peut-être, mais je crois que ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel c’est d’avoir permis que la Principauté se reconstruise et s’équipe mais d’avoir permis qu’elle se modernise dans ses institutions, dans son régime économique. Tout ce qui fait la vie et les pulsations d’un pays quel qu’il soit. »
« Si je devais faire le bilan de ces 25 ans, ce dont je suis le plus fier c’est la mise sous tunnel de la voie de chemin de fer qui était pour Monte-Carlo et son développement évidemment un frein terrible parce que ça coupait la ville en deux. Ça créait des nuisances et pas une urbanisation normale et fonctionnelle. La mise sous tunnel de la voie de chemin de fer a permis la création du Monte-Carlo nouveau, du Monte Carlo du bord de mer. »
« Il est toujours très mauvais dans toute entreprise de mettre tous les œufs dans le même panier. Le tourisme étant une entreprise véritable et une entreprise extrêmement fragile et très fluctuante, la Principauté se doit aussi de chercher ses ressources dans l’établissement de certaines formes d’industries en Principauté. Et dans cet esprit, nous avons réalisé ce terre-plein de 222 000 m2 (de Fontvieille) dans lequel il y aura toute une partie qui sera réservée à l’implantation de nouvelles industries propres à la Principauté qui ne créeront pas de nuisances et pas de pollution. (…) Les vocations de la Principauté sont donc assez diverses et c’est ce qui peut assurer une prospérité stable au point de vue économique et il serait sot et assez maladroit de se lancer dans une seule direction. »
« Je pense que l’argent qui est investi en Principauté sous forme de béton est un investissement excellent. Finalement, il reste et il ne s’en va pas. »
SON CARACTERE
« Oui je crois que je suis autoritaire. Je crois qu’il faut l’être. Mais il faut que l’autorité soit dosée, il faut qu’elle se manifeste quand c’est nécessaire. Je suis autoritaire si vous voulez en réaction contre… Je n’aime pas qu’on me marche sur les pieds. Alors l’autorité là se fait ressentir. J’aime bien quand, après avoir discuté avec des collabora-teurs, et pris une décision, on l’exécute et qu’on ne revienne pas dessus avec des remarques et des objections qui ne sont plus valables et décalées. Alors là je fais preuve d’autorité parce que ça ne me plait pas. Je n’aime pas perdre du temps »
« J’aime beaucoup être près des gens et avoir un contact facile et direct avec eux mais je déteste qu’on me tape sur le ventre, c’est ainsi. On peut être familier mais je n’aime pas la familiarité. »
LA PRINCESSE GRACE
« Quand je me suis marié, les Américains avaient mis dans leurs jour-naux que je leur ai volé leur seule princesse. Mais c’est ce qui a fait beaucoup pour l’image de la Principauté. Les Américains en masse se sont intéressés à la Principauté au travers de la Princesse. Au fond, par curiosité de savoir comment elle allait faire face aux divers problèmes. Or, il s’est passé une chose très, très belle et très touchante, c’est que la Princesse, la Principauté l’a adoptée aussi. »
« Dans tous les domaines, culturels, artistiques, de charité, sociaux, elle s’est donnée pleinement. La Principauté est devenue sa chose. Elle a assuré une présence que les gens ont appréciée. »
LA CRISE DE 1962
« Je crois que le différend actuel est dû au fait d’abord d’une mauvaise information du Gouvernement français (…) mais aussi du fait que le Gou-vernement français est assez opposé au principe même de l’expansion économique de la Principauté qui a été très rapide puisqu’en 18 mois, le visage même de la Principauté a été modifié. (..) Le Gouvernement français s’est braqué sans approfondir la question. Nous avons été à Paris, pensant pouvoir négocier. Et c’est pendant le séjour de la délégation que nous avons réalisé que la négociation n’était pas prévue. Mais que à ce moment-là, on voulait simplement, peut-être même dans un esprit de représailles, nous imposer un alignement fiscal avec le système français. Toute discussion était impossible étant donné que ma délégation a pris une position nettement opposée à l’adoption de ce principe et que la délégation française est restée sur l’imposition de cet alignement. »
« La responsabilité est à partager. On ne peut pas nous reprocher d’avoir attiré ici des sociétés derrière le dos de la France puisqu’à tout moment elle a la possibilité d’effectuer un contrôle fiscal. Comme du reste, elle a la possibilité de savoir quels sont les résidents français établis en Principauté et même de s’opposer à la délivrance de permis de résidence de français en Principauté par le fait que ces permis ne sont délivrés qu’après accord du Consulat Général de France. »
LES TENSIONS AVEC ONASSIS
« C’est difficile de concevoir que la SBM appartienne à un majoritaire individuel. Il fallait tenter un essai. Mais il y a eu un dérapage très rapide et disons que les intérêts majoritaires n’étaient pas du tout les mêmes que les intérêts que pouvaient avoir l’Etat ou moi-même. Et très vite, il a fallu donc reprendre le contrôle de la Société des Bains de Mer. Car elle a un patrimoine extraordinaire en Principauté, (…) des immeubles qui sont de la Belle époque qu’il ne faut absolument pas toucher. Or il y avait des intentions qui étaient un peu trop nettes (d’Onassis, NDLR)… »
« On me le reprochera toujours, c’est évident. Mais (…) il était impossible de rester en dehors avec un majoritaire qui faisait la sourde oreille complète à toutes les propositions. Alors nous avons été obligés de prendre posi-tion, et au fond, cette augmentation d’actions de la SBM au profit de l’Etat portera ses fruits. Je crois que finale-ment la SBM s’en portera très bien. »
LA REPUBLIQUE
« Il y a eu des petits mouvements “existons sous la république de Monaco”, c’est une farce! La notion existe chez certains. Et ceux qui en parlent le plus se voient en président de cette république. C’est ce qui les pousse à croire que la république de Monaco existerait et pourrait se maintenir ».
« Ce que je regrette, c’est que dans le monde actuel, il n’y a plus d’homme d’état. Je crois que le Général de Gaulle et Churchill ont été les derniers hommes d’état qu’on ait connus. Maintenant, ce sont tous des hommes politiques qui sont quand même très prisonniers de leur parti. C’est le parti qui les a mis au pouvoir. Tandis que l’homme d’état est quand même beaucoup plus indépendant, beaucoup plus élevé au-dessus du débat. »
Milena RADOMAN