Instabilité politique, corruption, expropriation, mais aussi conditions climatiques extrêmes, risques sanitaires… La notion de risque pays est devenue essentielle dans un contexte de mondialisation.
Quelle est la liquidité et la solvabilité d’un pays? Sa gouvernance est-elle bonne ou corrompue? Ou encore quelle est l’effi cacité de ses tribunaux pour tout règlement de dettes? Voici les questions que se pose une entreprise lorsqu’elle souhaite investir ou exporter dans un pays. C’est pourquoi de nombreux organismes comme la COFACE cal-culent le risque pays. La COFACE, qui garantit les créances nées d’une opération de vente par un exportateur français à un acheteur étranger et s’occupe de la couverture des risques que courent les exportateurs, propose aujourd’hui une évaluation de 162 pays sur une échelle de 8 niveaux : A1, A2, A3, A4, B, C, D, E. « L’évaluation se base sur des critères macroéconomiques (risque économique et social, politique, bancaire, fi nancier, environnemental) et microécono-miques. Notre modèle compile énormément de données fi ables (FMI, banques centrales, marchés, Banque mondiale) auxquelles s’ajoutent des données internes portant sur l’expérience de paiement, la sinistralité des entreprises… », explique Jean-Christophe Caffet, économiste en chef à la Coface, rappelant que le réchauffement climatique est de plus en plus pris en compte. « Le risque environnemental prend aussi bien en compte les risques physiques (pollution, inondations…) que les risques de transition (qualité des solutions mises en œuvre, introductions de nouvelles régulations…). »
Guerre en Ukraine: Baisse de l’évaluation de 19 pays
Pour son baromètre du deuxième trimestre 2022, la Coface a procédé à la baisse de l’évaluation de 19 pays, dont 16 en Europe – Allemagne, Espagne, France et Royaume-Uni notamment – en raison du contexte géopolitique, de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêts ou encore de la crise de l’énergie. L’explication? « La guerre exacerbe les tensions sur un système productif déjà fortement mis à mal par deux ans de pandémie, et renforce le risque d’atterrissage brutal de l’économie mondiale. » « La situation est assez inquiétante, analyse Jean-Christophe Caffet. On assiste à un ralentissement simultané dans tous les pays. On est dans un scénario de stagflation au niveau mondial, la stratégie zéro covid en Chine continuant de perturber les chaines de production mondiales. La croissance mondiale, qui sera de moins de 3% cette année, sera probablement en dessous de 2% en 2023.
Elle viendra uniquement des pays émergents, l’Europe étant rentrée en récession tandis que les Etats-Unis et le Japon enregistreront une croissance très faible. »
Au-delà de la crise de l’énergie, l’objectif de neutralité carbone est prégnant à terme. « S’il n’y a pas d’énergie, il n’y a pas de croissance. Et l’exploitation des ressources en hydrocarbures étant limitée, pour des raisons climatiques et de disponibilité des ressources, la croissance l’est de facto aussi, rappelle l’économiste en chef. Si on veut tenir l’objectif climatique d’une élévation des tempéra-tures inférieure à 2°C, il faut actionner tous les leviers: efficacité, décarbonation, stockage du CO2, auxquels il faudra donc ajouter une forme de sobriété. Il faut d’ailleurs rappeler que dans la plu-part des scénarios de transition, les émissions nettes de CO2 sont négatives après 2050. »
Monaco, un risque pays A3
Si Monaco ne figure pas dans le baromètre trimestriel de la Coface – tout comme les autres micro-Etats -, le risque du pays est pourtant bel et bien calculé. « Pour l’évaluation de la Principauté, le benchmark, c’est la France car les territoires des deux pays sont imbriqués. A Monaco, les données économiques sont limitées. Il manque des sondages sur la confi ance des ménages et des entreprises par exemple ainsi que des statistiques en temps réel… » explique Bruno de Moura Fernandes, responsable de la macroéconomie chez Coface. Tout en précisant que « l’évaluation de Monaco reste autonome ». En clair, si la France a un problème de dette publique, la notation de la Principauté, où les fi nances publiques sont saines et le fonds de réserve constitutionnel solide, ne sera pas automatiquement dégradée. Résultat: « L’évaluation de Monaco, qui était en A2, a été dégradée en A3 à l’instar de la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne ou encore l’Autriche, en raison de l’impact du conflit russo-ukrainien sur le tourisme russe et l’immobilier par exemple. La construction est très importante à Monaco et représente 13% du PIB. C’est un secteur à risque par excellence quand les taux d’intérêt montent… » En revanche, les cours des métaux, importants dans la construction, s’étaient envolés au début de la guerre mais sont retombés cet été. La Russie étant l’un des principaux producteurs de métaux, on craignait qu’il n’y ait pas assez de métaux pour tout le monde. Or, la crise immobilière en Chine a changé la donne. La Chine qui représente 60% de la demande mondiale d’acier a en effet enregistré un net ralentissement de son activité », indique l’économiste.
Côté microéconomique, les entreprises notées implantées à Monaco sont, entre autres, des fi liales du groupe cosmétiques Coty et Lan-caster, des laboratoires pharmaceutiques ou encore des acteurs du trading pétrolier (Dan-Bunkering) et de la construction (Richelmi).
Milena RADOMAN