Comme pour son rectificatif 2022, Monaco affiche un budget primitif 2023 record à deux milliards d’euros.
Pas question de faire d’angélisme. Avant l’adoption à la majorité du budget primitif 2023 le 15 décembre dernier, le Ministre d’Etat Pierre Dartout a prévenu: « Le conflit russo-ukrainien se poursuit et renforce la tendance inflationniste déjà observée depuis la pandémie de Covid-19. (…) Monaco, malgré sa grande capacité de résilience, n’est pas isolé du reste du monde. La récession annoncée pour 2023, en particulier en Europe, ne manquera pas de nous affecter ».
Un excédent de 9,1 millions d’euros
Ce Budget prévisionnel table néanmoins sur un excédent prévisionnel de recettes de 9,1 M€, avec des recettes estimées à 2,03 milliards d’euros (en hausse de + 7,5 % par rapport à celles du Budget Primitif 2022) et des prévisions de dépenses s’élevant à 2 021,3 M€ (soit + 135 M€). D’où vient cette augmentation ? Côté recettes, elle est liée en grande partie à la progression des recettes fiscales (+ 233 M€) au regard de la reprise de l’activité économique et de l’impact des grands projets immobiliers de la Principauté (avec + 61 M€ des recettes de TVA immobilière). Preuve que l’immobilier est un pétrole à Monaco, l’extension en mer ramène 100 M€ (grâce au quatrième versement de la soulte) et les droits immobiliers liés à des projets de surdensification, quelque 15 M€… En parallèle, les crédits alloués aux dépenses d’équipement et d’investissements sont revus à la hausse (+ 82,5 M€), notamment en raison des inscriptions dédiées au Plan National pour le Logement des Monégasques (236,6 M€ hors matérialisation d’échange*). Autres dépenses marquantes: l’Ilot Charles III (+ 24 M€), l’extension du Grimaldi Forum (+ 28,8 M€) et la surélévation de l’immeuble de la Direction de la Sûreté Publique (+ 12,3 M€) ou encore le compte de dépôt dédié à la construction du Centre de Traitement et de Valorisation des Déchets.
Si les dépenses de personnel sont également à la hausse (+ 33,6 M€ ), les interventions publiques, elles, progressent davantage (+92 M€), en raison notamment de l’inscription de sommes dédiées à la nouvelle chaîne de télévision MCRTV dont le lancement est attendu à l’automne 2023 (+ 22,8 M€). La mise en œuvre du Ségur de la Santé, la poursuite du Fonds Bleu, ainsi que l’inscription de + 12,4 M€ au titre des épreuves sportives automobiles (sans doute liés au Grand Prix) et de + 7 M€ au titre du bouclier tarifaire destiné à amortir et lisser la hausse des coûts d’approvisionnement en électricité ont nécessairement impacté le Budget 2023.
300 millions de recettes en 1985
« Les dépenses ont augmenté pratiquement au même rythme que les recettes, et nous devons nous montrer attentifs à leur maîtrise », rappelle alors le Ministre d’État. Comme l’a fait remarquer le rapporteur Balthazar Seydoux, « depuis 2018, le volume du Budget a augmenté de près de 65% »! Selon l’IMSEE, en 1985, les recettes flirtaient à peine avec les 300 millions d’euros et les dépenses se bornaient à 235 millions d’euros… Les recettes et les dépenses ont franchi en même temps la barre du milliard d’euros en 2014 et donc, des deux milliards en 2022… Cette évolution du budget a été analysée par le Think tank Monaco 2040**, qui estime que l’« on dépense tout ce qu’on gagne », avec un impact sur les excédents budgétaires qui alimentent le Fonds de Réserve Constitutionnel. Ce qui fait craindre à l’élu Daniel Boeri qu’en 2040, « la partie liquide du FRC soit simplement égale au montant des dépenses ordinaires » et qu’il n’y ait « plus de réserves ».
7 voix contre sur 22
Adopté un mois et demi avant les élections nationales, ce budget a reçu la désapprobation finale de 7 élus. Chacun égrenant un motif de désaccord: manque de transparence sur la négociation de l’Accord d’association avec l’Union Européenne, méthode de travail avec l’assemblée à améliorer, absence d’un plan d’action concret sur la mobilité, baisse de la qualité de vie, non prolongation de l’expérience de bus gratuit… Si la nouvelle Présidente de l’assemblée a voté, elle, en faveur du budget, Brigitte Boccone-Pagès a ainsi mis la pression sur la question de la mobilité, demandant au gouvernement « une décision majeure au moins concernant un équipement structurant pour améliorer la mobilité vers et dans Monaco »: « L’État monégasque doit investir maintenant dans les équipements de demain. (…) Le temps des études est terminé. Maintenant il faut décider, autour d’une stratégie claire. »
Milena RADOMAN