Selon Gérald Mathieu, en charge de la promotion de la place financière à l’AMAF (Association Monégasque des Activités Financières), les investissements de la clientèle monégasque en crypto sont marginaux. Banques et sociétés de gestion sont néanmoins obligées de s’adapter.
Comment jugez-vous l’évolution de la place bancaire monégasque depuis quelques années?
L’attractivité de la place bancaire a cru ces dernières années. Elle se traduit par l’arrivée récente de très bons acteurs internationaux comme Pictet et Goldman Sachs. C’est une bonne chose pour le marché dans son ensemble, et pour les clients en particulier. Ça répond aussi à des besoins réglementaires et au mouvement d’onshorisation: ces grands noms avaient besoin d’être à Monaco pour gérer leurs clients plutôt que de le faire d’autres places.
L’attrait de la place va de pair avec la politique d’attractivité menée par les autorités vers de nouveaux résidents, ayant un profil d’entrepreneurs jeunes actifs et de personnes fortunées. Si les grands noms viennent et restent à Monaco, c’est en raison de la qualité des clients de la Principauté exigeant un service de banque privée et de gestion d’actifs. Nous n’avons pas à rougir par rapport à des places comme Singapour et Dubaï. Monaco offre un environnement réglementaire de qualité, des banques avec des systèmes et des plateformes adaptés et un niveau de sophistication voire parfois meilleur que d’autres places!
La place a-t-elle été impactée par la volatilité des marchés cette année?
Les actifs de la place s’élevaient, fin septembre, à 147 milliards d’euros.Nous avons été forcément impactés par les marchés qui ont perdu 20% cette année mais les actifs de la place sont bien diversifiés, entre le cash, les actions, les titres obligataires et la gestion alternative. Il y aura un impact mineur. Notre métier est un métier de cycle. Je ne suis pas inquiet. Notre marché est à la fois porteur, stable et bien structuré, ce qui permet de traverser les périodes difficiles…
Il y a une époque où l’on disait que les gens déposaient leur argent à Monaco mais le faisaient gérer en Suisse ou ailleurs. C’est fini?
C’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. Il n’y a pas de chiffres officiels via la Banque de France. Mais si dans un établissement comme Barclays, certains clients confient la grande majorité de leurs actifs et d’autres beaucoup moins, c’est aussi dans un souci de diversification du risque. Les grands clients internationaux diversifient leur patrimoine personnel et professionnel. Ils font pareil avec les banques. C’est normal.
Vous parlez de diversifier le risque. La clientèle des établissements monégasques est-elle friande de cryptomonnaies?
Je ne crois pas que les clients en soient friands. Est-ce qu’ils investissent une partie de leurs actifs en cryptomonnaie par curiosité? Oui mais cela reste très minime. Pour autant, certains de nos clients ont fait fortune dans les cryptomonnaies, en investissant ou en raison de leur activité. Cela oblige les banques et les sociétés de gestion à s’adapter. A comprendre comment ils ont bâti leur fortune, l’origine des fonds, et à se doter de systèmes en interne adaptés pour bien gérer les risques.
Finance traditionnelle et cryptomonnaies sont-ils des frères ennemis?
Les cryptomonnaies sont un risque à gérer comme il en existe d’autres dans la finance! Sur l’échelle des risques, le risque est élevé, notamment en matière de blanchiment d’argent. Mais attention à ne pas tout confondre, il existe des centaines de cryptomonnaies…
Les acteurs de la place sont-ils réticents vis-à-vis des cryptomonnaies et cryptoactifs?
Les acteurs de la place sont globalement très dynamiques sur plusieurs sujets. Ils sont très attentifs au sujet des cryptomonnaies, prudents dans le bon sens du terme. Il faut mettre le client et la réglementation au centre de nos intérêts.
Certaines banques misent dessus. Par exemple, depuis mars 2021, Goldman Sachs propose des contrats à termes sur le bitcoin et des contrats à terme non livrables, qui permettent aux clients de se prononcer sur le prix futur du Bitcoin.. Que pensez-vous de cette évolution?
Ce type de services requiert des systèmes informatiques très pointus et des protocoles de contrôle des risques.
Comment contrôlez-vous l’origine des fonds en cryptomonnaies de vos clients?
C’est beaucoup de travail. On travaille main dans la main avec le SICCFIN.
Selon Brock Pierce, président de la Bitcoin Foundation, « Monaco devrait adopter le bitcoin à l’image d’El Savaldor » ( déclaration au Ritossa family office). Qu’en pensez-vous?
Je ne compare pas Monaco et le Salvador (sourire). En cette période de crise, la valeur refuge a été le dollar, qui s’est extrêmement renforcé. Ce n’est pas le cas des cryptomonnaies, certaines n’ont pas survécu… Le peu de clients qui investissent dans les cryptos sont très sélectifs et investissent moins de 5%… Je ne pense pas que ce qui s’est passé ces dernières semaines va augmenter la part d’investissement dans les cryptos.
Propos recueillis par Milena RADOMAN