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MONEYVAL : « C’est difficile de croire que dans un pays où il y a tellement de richesses, il n’y a pas de blanchiment »

En janvier 2023, le rapport de Moneyval, plaçant Monaco en suivi renforcé, a eu l’effet d’un coup de tonnerre.  Irina Talianu, cheffe de l’unité évaluations et en charge de la mission en Principauté, explique les raisons d’une telle notation (comme le faible nombre de condamnations pour blanchiment) et ce qu’il peut désormais advenir.

Sur quelles normes vous basez-vous pour réaliser l’évaluation ?

Le rapport d’évaluation analyse le niveau de conformité aux 40 Recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), ainsi que le niveau d’efficacité du dispositif LBC/FT de la Principauté de Monaco, et émet des recommandations en vue de renforcer ce dispositif.

Quelles sont les principales lacunes de Monaco en matière de lutte contre le blanchiment qui ont entrainé le suivi renforcé ?

Les notes faibles sont liées aux manquements concernant les enquêtes, les poursuites, et les condamnations pour le blanchiment de capitaux ainsi que les confiscations et recouvrement des produits du crime. Sur la période 2017-2021, 192 enquêtes ont été ouvertes à Monaco pour blanchiment, mais seulement 19 poursuites ont été lancées, en ce qui concerne le blanchiment de capitaux*. Monaco est un centre financier régional, avec des flux financiers importants. C’est un pays avec une exposition aux risques assez élevée. Nous évaluons si le nombre de condamnations est cohérent avec l’analyse de risques. C’est difficile de croire que dans un pays où il y a tellement de richesses, avec un centre financier important, très ouvert à l’international, il n’y a pas de blanchiment. C’est une question de compréhension des risques. Nous avons également relevé un manque notable de ressources humaines et technologiques au Service d’information et de contrôle sur les circuits financiers (SICCFIN).

Il n’y a pas de norme sur le nombre adéquat de condamnations…

Non, bien sûr.  Nous comparerons avec des pays ayant des profils comparables comme le Liechtenstein ou San Marin, nous avons toujours une analyse horizontale. On peut comparer Monaco avec le Liechtenstein, qui présente à peu près la même population et le même PIB. Le Liechtenstein, qui a une meilleure notation concernant les condamnations, affiche 48 condamnations, c’est-à-dire environ dix fois plus que la Principauté. Le pays est sous suivi régulier depuis 2,5 ans.

Selon le rapport, la Principauté de Monaco devrait analyser en profondeur le risque d’utilisation de son secteur financier pour blanchir les produits issus de la fraude à l’impôt sur le revenu et autres types d’infractions fiscales non réprimées par le droit monégasque, commises à l’étranger » notamment « en considérant que l’absence d’incrimination puisse être une vulnérabilité intrinsèque ». Monaco devrait davantage incriminer la fraude fiscale alors que le pays ne soumet pas à un IR ses nationaux et résidents ?

Ce n’est pas une obligation pour un État de pénaliser la fraude à l’impôt sur le revenu. Notre recommandation n’est pas de changer la manière dont un pays traite la question de la fiscalité mais de maitriser le risque de blanchiment des capitaux. Lors de notre visite en mars 2022, la menace posée par la fraude à l’impôt surtout commise à l’étranger était absente de l’analyse de risque.

Le pays peut s’organiser comme il le souhaite, par exemple en adoptant des mesures préventives, une méthodologie pour que les différents professionnels assujettis tels que les agents immobiliers, la gestion de fortune ou la banque privée comprennent les réflexes à adopter. Il faut nommer ce risque.

Des mesures ont été prises par les autorités depuis votre visite en mars 2022 et le rapport paru début 2023. Vous avez suivi cette évolution ?

Le comité n’est pas obligé d’avoir un contact permanent avec les autorités du pays dans le cadre d’une procédure de suivi. Ces dernières vont soumettre un rapport de progrès en juin 2024 conformément aux règles de procédure de suivi renforcé, et avant une présentation en assemblée plénière en décembre 2024. Nous avons besoin de temps pour analyser ce qui a été mis en place depuis notre visite sur place en mars 2022.

Quelle sera la suite des événements ?

Il y a 2 procédures parallèles, Gafi et Moneyval. Nous, à Moneyval, nous allons analyser les progrès enregistrés par la Principauté dans sa conformité avec les normes du GAFI, suivant nos propres règles et procédures. Lors de la plénière de décembre 2024, le comité va prendre une décision sur la suite. A savoir continuer la procédure de suivi renforcé ou mettre en suivi régulier ou encore enlever toute procédure de suivi. Après un premier rapport, il est rare de sortir le pays de tout suivi. La bonne option pour Monaco serait d’être classé sous suivi régulier mais rien n’est arrêté, tout dépendra de décision du comité.

Il faut deux cycles de rapport, soit au bout de 4 ans, si Monaco n’arrive pas à convaincre le comité Moneyval, une procédure de conformité renforcée serait mise en place.

De quoi s’agit-il ?

Ce processus de « non-conformité » comporte plusieurs étapes :  un courrier du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe aux autorités du pays précède une mission à haut niveau organisée dans l’État qui se trouve en situation de « non-conformité » pour rencontrer les ministres et les hauts fonctionnaires concernés. Lors de la troisième étape, Moneyval peut faire une déclaration publique officielle sur son site Internet, qui annonce que l’État ne respecte pas les normes. La quatrième étape consistant à renvoyer l’affaire pour un examen éventuel dans le cadre de la procédure de groupe d’examen de la coopération internationale du GAFI. C’est l’antichambre de la fameuse « liste grise » des pays non coopératifs, élaborée par l’OCDE. Mais tout ce scénario, ce ne serait pas avant 2025. Il y aura avant une décision en mai 2024 avec le Gafi et en décembre 2024 avec le comité Moneyval sur la procédure à suivre.

Un suivi renforcé de Moneyval entraine-t-il obligatoirement l’État sur la liste grise du Gafi ?

Non. Le Gafi a ses propres procédures même si nous collaborons ensemble. Si le pays a au moins deux notes faibles sur 11*, le Gafi intervient et prend la main. Il décide de mettre le pays sous observation/suivi, puis sur liste grise si le pays n’est pas conforme. Aujourd’hui, Monaco a atteint le seuil d’alerte pour déclencher un suivi du Gafi. Si on fait une analogie avec l’école, un pays noté 5/10 ou moins peut entrer en suivi renforcé de Moneyval et s’il est noté 3/10 et moins il peut faire l’objet d’un suivi du Gafi.

Milena Radoman

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