Contraint par une exiguïté record, Monaco a dû innover en permanence pour repousser les limites de son territoire.
« Dix fois le musée du Louvre, trois fois le National Mall de Washington DC, le tiers d’un arrondissement moyen de Paris ou encore le quart des jardins du château de Versailles… » C’est ce que représente la Principauté de Monaco, comme le résume très justement la juriste Delphine Lanzara*. Deuxième pays le plus petit au monde après le Vatican, la Principauté est aussi le pays le plus densément peuplé. Et ses 2 km² de superficie obligent ce micro-État à répondre à des défis d’urbanisme uniques, alliant des besoins d’infrastructures comparables à ceux d’une métropole de taille moyenne et un mètre carré moyen du foncier supérieur à 50 000 euros….
Monte-Carlo ou le renouveau
La Principauté est souvent associée à Monte-Carlo, son casino et ses palaces. À l’origine, le plateau des Spélugues – du nom, en monégasque, des grottes qu’il abritait – était une terre aride et sauvage où s’élevaient oliviers et caroubiers, une poignée d’arbres fruitiers et quelques ceps de vignes. Charles III donne son nom en 1866 à une ville nouvelle bâtie autour du casino et de l’hôtel de Paris. Hôtels, restaurants, cafés, immeubles s’y multiplient, l’église Saint-Charles est ouverte en 1883. Théâtre à l’italienne rouge et or au style Second Empire, la salle Garnier est une réplique miniature de l’Opéra de Paris. Le célèbre architecte français venait alors d’achever l’Opéra de Paris. Pour former la charpente, il a employé des poutres en fer, dessinées par Gustave Eiffel, le père de la tour éponyme et de la structure intérieure de la Statue de la liberté… Monaco symbolise alors le renouveau et la modernité. Comme veulent l’incarner aujourd’hui le One Monte-Carlo et la nouvelle place du casino. Tout comme ce projet de tours de grande hauteur qui reposeraient sur des pilotis d’une quinzaine de mètres, imaginées par la direction de la prospective dans le cadre d’une réflexion concernant le plateau des Spélugues…
Consciente des limites géographiques de l’espace disponible, la Principauté a mis en œuvre au fil du temps plusieurs stratégies pour densifier son territoire. L’urbanisation verticale, amorcée dans les années 1960, a radicalement transformé le paysage monégasque. Les premiers gratte-ciels de 20 à 36 étages ont donné à Monaco une physionomie semblable à celle des grandes métropoles, avec des immeubles de grande hauteur comme la célèbre Tour Odéon, qui culmine à 170 mètres et abrite l’un des appartements les plus chers au monde.
Parallèlement, Monaco a développé un urbanisme souterrain, avec la construction de tunnels, de parkings et d’infrastructures logistiques enfouies. Cette approche a permis de libérer des espaces en surface pour des jardins et espaces verts, qui représentent aujourd’hui près de 20 % du territoire. Le sous-sol de la Pincipauté abrite également des infrastructures clés, comme le centre de tri postal, des galeries techniques et des espaces événementiels comme le Grimaldi Forum.
Gagner du terrain sur la mer
Face à l’impossibilité d’étendre ses frontières terrestres, Monaco a trouvé une solution innovante : conquérir la mer. Depuis les années 1960, la Principauté a entrepris de nombreux projets d’extension maritime, notamment dans les quartiers de Fontvieille et du Larvotto. En tout, près de 60 hectares ont été gagnés sur la Méditerranée, représentant environ 20 % du territoire total de Monaco. Ces extensions permettent d’accueillir de nouveaux logements, infrastructures et espaces de loisirs. Dernière illustration de cette « conquête pacifique » : Mareterra et ses 6 hectares situés entre le Larvotto et les Spélugues.
Reconstruction de la ville sur la ville
Une autre stratégie clé consiste à reconstruire la ville sur elle-même. Monaco démolit des bâtiments existants pour les remplacer par des structures plus modernes et fonctionnelles. Ce processus de renouvellement urbain est visible dans des projets emblématiques comme la reconstruction du centre hospitalier Princesse Grace, le complexe One Monte-Carlo. Cette méthode permet à la Principauté de répondre à la demande croissante tout en optimisant l’espace limité. En raison de la rareté des terrains disponibles, acquiert des terrains dans les communes françaises voisines pour y construire des logements pour ses fonctionnaires, des équipements sportifs, et des espaces de stockage, bien que ces terrains restent juridiquement sous souveraineté française ou italienne. Le Monte-Carlo Country Club, qui abrite le fameux Rolex masters de tennis, n’est-il pas implanté à Roquebrune ?
Enfin, dernière tendance : un plan de renaturation de la ville est prévu dans la Stratégie Nationale pour la Biodiversité à 2030. « Monaco étant la citée côtière la plus densément peuplée au monde, le changement climatique va exercer des pressions supplémentaires sur les populations et la biodiversité du territoire. Il est donc nécessaire de préparer la ville résiliente de demain en intégrant les services rendus par la nature », explique la Direction de l’Environnement. Dans le cadre de ce plan, un objectif de renaturation d’au moins 20% des surfaces de voirie a été fixé à l’horizon 2030, « soit un gain de plus de 13 ha d’espaces favorables à la biodiversité ». La plantation de 2 400 arbres supplémentaires sur le territoire est envisagée d’ici 2030, tandis que « le développement d’infrastructures vertes sur le bâti, telles que des toitures intensives et des murs végétalisés modulaires, sera favorisé pour « ensauvager » la ville. »
A l’avenir, Monaco devra encore et toujours innover. Certains architectes, comme Édouard Albert, connu pour l’université de Jussieu, avaient imaginé des îles artificielles au large de Monaco. L’idée de villes flottantes a resurgi récemment avec l’utopie “Lilypad” signée Vincent Callebaud. L’architecte franco-belge a imaginé cette écopolis, capable d’accueillir jusqu’à 50 000 personnes, comme une réponse durable à la fois à la montée des réfugiés climatiques et à la sururbanisation des zones littorales. Et s’il s’agissait des futurs pieds-à-mer à Monaco ?
*Le problème foncier à Monaco, dans La Revue foncière juillet/août 2017.