Pour cibler le marché nord-américain, le Monaco Economic Board a assuré une première mission économique au Canada fin septembre. Concrétisant ainsi un peu le rêve américain…
C’était une première depuis sa création en 1999. Le Monaco Econo-mic Board (MEB) a emmené, du 18 au 24 septembre, une mission économique au Canada. Objectif de ce déplacement inédit en Amérique du Nord: « développer les relations entre les deux pays. Nous souhaitons accompagner les entreprises monégasques dans leur développement au Canada, favoriser les synergies et opportu-nités dans les deux milieux d’affaires locaux mais aussi, pourquoi pas, attirer des investissements canadiens sur les entreprises de la Principauté », indique le Directeur Général Exécutif du MEB, Guillaume Rose.
Opérations réseautage
Pour explorer l’écosystème de ce géant économique qu’est le Canada – un pays de 38 millions d’habitants et de près de 10 millions de km2, surfant sur une croissance de 4,6% en 2021 et de 3,8% en 2022 (estimation COFACE) -, le MEB a misé sur les deux métropoles économiques et financières incontournables: Montréal, la francophone, et Toronto, l’anglophone. La délégation monégasque, comprenant 7 entreprises (dans les secteurs tech, conseil, finance, enseignement, commerce et droit), s’est appuyée sur son nouveau partenaire, la Chambre de commerce française au Canada pour rencontrer les principales agences économiques du Québec et de la région de Toronto1 et comprendre les différentes aides publiques à l’investissement (subventions, crédits d’impôts, etc.). Les entreprises monégasques ont pu également miser sur ce « premier réseau d’affaires franco-canadien avec plus de 300 entreprises » selon son Directeur Général Julien Tougeron mais aussi sur l’entregent de l’Ambassadeur Maguy Maccario-Doyle et des Consuls Généraux Honoraires à Montréal et à Toronto, Diane Vachon et Bernard Valette, pour décrocher des rendez-vous B2B. Au Canada comme ailleurs, le réseautage est déterminant pour frapper aux bonnes portes et signer des contrats… Et ces opé-rations de networking semblent avoir déjà porté leurs fruits. Si la mission a permis à Thomas Brezzo, Co-fondateur du cabinet monégasque Giaccardi & Brezzo d’échanger avec trois des plus grosses firmes d’avocats installées à Montréal (Fasken, Osler et Dentons, qui compte 130 bureaux dans 80 pays), elle lui a surtout « fait rencontrer des entrepreneurs qui désirent créer leur société à Monaco ». Le groupe FH METAL, qui permet de monter sans grue la structure et l’enveloppe d’édifices en hauteur – qu’ils soient fait de béton ou d’acier -, intervient déjà avec sa filiale Upbrella sur le chantier pilote de la Villa Carmelha à Monaco, une tour de 27 mètres de haut destinée à accueillir des logements domaniaux. Il a également été sollicité pour réaliser la rénovation de la salle Gaston Médecin du stade Louis II (et de ses 4 600 sièges), avec le challenge de finir les travaux en 13 semaines… au lieu de 9 mois. Ce groupe compte désormais s’implanter en Principauté. Philip Culazzo, Fondateur de la Distillerie de Monaco, a lui rencontré différents acteurs économiques permettant d’importer et distribuer ses produits au Canada, le casse-tête étant que chaque province possède son monopole… La première et unique distillerie de la Principauté a déjà pénétré les marchés français, britannique, allemand et suisse, singapourien et japonais, « en travaillant avec les meilleures adresses comme la maison Ducasse à Kyoto ». A Montréal, elle vise la clientèle haut de gamme de palaces comme le Ritz Carlton, propriété des frères d’Anthony Stent Torriani (Monaco Asset Management) ou encore les caves branchées du Bar George, institution chic au luxe victorien. Sa liqueur d’écorce d’orange pourrait séduire les plus gros consommateurs de Grand Marnier et de Cointreau. Et Philippe Culazzo voit bien son alcool de caroube, emblème de Monaco, se faire une jolie place au pays des caribous…
1.Montréal International, Toronto Global et Business France, ou encore le Conseil de la Coopération de l’Ontario ainsi que des acteurs clés du marché canadien, comme la banque Desjardins.
Cap sur l’innovation
Montréal et Toronto se classent parmi les premières métropoles au monde en terme de créativité numérique (Google, Microsoft, Méta, ont fait de Montréal leur centre de R&D en intelligence artificielle). Pas étonnant alors que la délégation monégasque ait visité trois pôles d’innovation dont MaRS Discovery District à Toronto et Centech, incubateur dédié aux entreprises Deeptech et Medtech, basé dans un ancien planétarium de Montréal. Autre cible importante pour les start-ups: Rimouski. « Nous sommes la Silicon Valley en économie bleue. Le campus d’innovation Novarium est le seul accélérateur dédié au secteur », affirme Martin Beaulieu, Directeur Général de la Société de promotion économique de Rimouski.
Pépites monégasques
« Nous avons beaucoup à apprendre de ces métropoles nord-amé-ricaines qui placent l’innovation et la tech au cœur de l’économie. A Monaco, nous avons de vraies pépites de la Tech, incubées chez MonacoTech. Nous en avons amené quelques-unes lors de cette mission et nous espérons en amener encore d’autres à l’occasion de prochains déplacements ou participations à des salons tels que le CES à Las Vegas ou Collision et Elevate à Toronto », souligne le Directeur adjoint du MEB, Justin Highman. Parmi les « pépites » qui ont incubé chez MonacoTech, il y a KeeSystem. Créée en 2019, cette société spécialisée dans les technologies financières (WealthTech) a déployé ses ailes et est désormais basée à Monaco, en Suisse et au Luxembourg. Elle s’attaque désormais au marché canadien. « Avec cette mission, j’avais pour objectif de rencontrer des par-tenaires potentiels, découvrir des prospects, créer des liens avec les associations professionnelles et vérifier auprès des régulateurs les règles de compliance », liste son Fondateur Pierre-Alexandre Rousselot, qui estime avoir coché toutes les cases. L’ambition est la même chez Hilde Haneuse-Heye. La Présidente de Blue Wave Software (éditeur de logiciels informatiques) a rencontré à Montréal une société canadienne désireuse d’attaquer le marché européen au travers de son entreprise monégasque tout en lui offrant la possibilité d’exporter son catalogue de produits développés pour l’aéroport de Nice dans les infrastructures canadiennes. « Mon contact a pu promouvoir nos logiciels au colloque du réseau québécois des aéroports, qui tombait pile poil au moment de la mission! », se réjouit la cheffe d’entreprise.
Le benjamin de l’équipe, Tarek Barbouche, jouait, lui, en terrain connu. Le Co-fondateur de Thoody Consulting, tuniso-canadien, a vécu une partie de son enfance à Montréal. A moins de 30 ans, il y est revenu en mission pour jauger si sa société monégasque qui développe des solutions logicielles et des applications mo-biles DATA – y compris pour le gouvernement monégasque – peut conquérir cet autre marché rouge et blanc. « Ce déplacement m’a permis de comprendre les clés de l’écosystème complexe canadien et de réseauter. Maintenant à nous de jouer… »
Des programmes d’échanges en vue
Pour l’International University of Monaco, la mission du MEB au Canada aura été particulièrement riche. Nadine Vallejos, coordinatrice des Relations internationales de l’IUM, a tissé des liens avec une dizaine d’universités et écoles de commerce situées à Montréal, Ottawa, Toronto et Waterloo en vue d’établir des partenariats d’échanges bilatéraux d’étudiants et a désormais l’embarras du choix. « Plusieurs d’entre elles vont venir rapidement visiter le campus monégasque. » Des contacts ont également été pris avec l’Institut de tourisme et d’Hôtellerie du Québec, grâce à l’Ambassadeur Maguy Maccario-Doyle, à son conseiller Jean-Philippe Bertani et au Consul Général Honoraire à Montréal Diane Vachon. L’ITHQ est par ailleurs intéressé par des collaborations avec le lycée technique et hôtelier de Monaco et le Centre Hospitalier Princesse Grace.
Monaco et le Canada, « une histoire d’amour »
Monaco sera à l’honneur du festival des films francophones de Montréal Cinémania du 2 au 13 novembre. Le documentaire de Yann-Antony Noghès, « Albert Ier, Un combat pour la paix », y sera projeté en compétition officielle.
La Principauté de Monaco et le Canada entretiennent officiellement des relations diplomatiques depuis 2008. « Ces relations sont excellentes, basées sur des liens d’amitié et de confiance ainsi que sur les valeurs communes de liberté, de démocratie, de solidarité et de tolérance. Les questions environnementales, les océans, l’Arctique ainsi que le sport et le mouvement olympique, qui figurent parmi les champs d’intérêt de S.A.S le Prince Albert II, rapprochent les deux pays », estime l’Ambassadeur Maguy Maccario Doyle. Mais selon Diane Vachon, Consul Général Honoraire de Monaco à Montréal, « l’histoire d’amour entre Monaco et le Canada a commencé dès 1898 avec un voyage d’Albert Ier. Pour nous, Canadiens, élevés dans l’esprit du Commonwealth, Monaco, c’est notre monarchie francophone… »
Milena RADOMAN