Le déclenchement de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a accéléré la transformation digitale des pays. Monaco, aussi, voit le numérique comme un pilier de son attractivité.
Le constat est sans équivoque. « Les mesures prises pour endiguer la pandémie de COVID-19 ont modifi é en profondeur la relation aux technologies numériques des pays de l’OCDE. Jamais auparavant la dépendance mondiale à l’égard des technologies numériques n’avait à ce point concerné tous les aspects de la société – de l’éducation jusqu’à la santé, observe l’Organisation pour la Coopération et le Déve-loppement Économique (OCDE) dans son rapport « La transformation numérique à l’heure du Covid-19 ». Le monde s’est tourné massivement vers l’espace « cyber ». Des écoliers équipés de leur connexion internet à domicile ont inauguré l’école à distance, de nombreux salariés se sont lancés dans le télétravail, et une multitude d’entreprises ont adopté des modèles économiques reposant sur le numérique pour poursuivre leurs activités et sauver une partie de leurs recettes. Dans le même temps, des applications mobiles ont été mises au point pour suivre l’évolution de la pandémie et les chercheurs ont de plus en plus recours à l’intelligence artifi cielle (IA) pour comprendre le virus et accélérer le développement d’un vaccin. Dans certains pays, l’augmentation du trafi c internet a atteint jusqu’à 60 % peu après le début de l’épidémie… » Et depuis, le phénomène n’a fait que s’accélérer.
Stratégie des pouvoirs publics
De nombreux États ont défi ni une stratégie numérique nationale.
A Monaco, ce plan d’actions date de 2019 mais a été dopé avec la crise du Covid. « En mars 2018, la Principauté disposait de très peu de services numériques gouvernementaux pour la santé, la mobilité, la vie quotidienne et administrative des Monégasques, des résidents et des pendulaires. Les infrastructures numériques du pays, ainsi que le parc informatique de l’Administration, étaient obsolescents et peu sécurisés. Monaco s’exposait à un risque de décrochage numérique. Avec le lancement en avril 2019 par le Prince Souverain du programme Extended Monaco, le Gouvernement a réussi le pari d’insuffler une dynamique numérique en Principauté. (…) Aujourd’hui il s’agit surtout pour le numérique d’être l’un des principaux moteurs du plan de relance de notre économie, et également d’offrir des services concrets à la population dans sa vie quotidienne », explique Frédéric Genta, Délégué Interministériel en charge de la Transition Numérique et de l’Attractivité. Dans chaque État, la course à la transformation numérique est menée au pas de course. C’est une question de compétitivité et d’attractivité. Et dans cette course, le Danemark, la Finlande et la République de Corée arrivent sans surprise en tête du classement 2022 du gouvernement numérique des 193 États membres des Nations Unies, obtenant les meilleurs scores en ce qui concerne la portée et la qualité des services en ligne, l’état de l’infrastructure des télécommunications et les capa-cités humaines existantes. Les fi nalistes sont la Nouvelle-Zélande, la Suède, l’Islande, l’Australie, l’Estonie, les Pays-Bas, les États-Unis, le Royaume-Uni, Singapour, les Émirats arabes unis, le Japon et Malte… avant Monaco, qui figure à la 73e place.
Un numérique durable
Au-delà des infrastructures (accès et connectivité), les stratégies nationales s’accompagnent de plans d’action en matière de sécurité numérique visant à soutenir la prospérité économique et sociale et à susciter la confiance dans l’environnement numérique mais aussi la protection de la vie privée. En particulier, dans l’Union européenne, le RGPD, entré en application le 25 mai 2018, a établi de nouvelles règles régissant la libre circulation des données à caractère personnel relatives aux personnes concernées au sein de l’Union européenne. Autres tendances lourdes : un numérique résilient et inclusif mais sur-tout durable. Car l’impact environnemental du numérique ne cesse de croître. Responsable de 3 à 4 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde (selon les études), il génère énormément de déchets et exige quantité de ressources non-renouvelables et d’eau douce. Les accords de Paris imposent d’en réduire l’impact. Rien qu’en France, « à l’horizon 2030, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de pro-gresser au rythme actuel, le trafic de données serait multiplié par 6 et le nombre d’équipements serait supérieur de près de 65 % par rapport à 2020, notamment du fait de l’essor des objets connectés1», selon l’ADEME. Et cette empreinte pourrait tripler entre 2020 et 2050 ! « Si ce développement du numérique permet en partie de réduire d’autres im-pacts environnementaux dans d’autres secteurs (mobilité par exemple), les consommations qu’il engendrerait en électricité et en ressources posent de toute façon la question de leur faisabilité. Sera-t-il possible de produire autant d’électricité ou de consommer autant de matières premières dans un monde où les tensions s’accroissent ? » interroge l’agence. Une question qui résonne aussi forcément place de la Visita-tion. « Toute la transformation n’a de sens que si elle est à la fois sobre énergétiquement et au service du développement durable. Comme la sécurité intégrée « by design », l’approche environnementale doit être elle aussi intégrée dès la conception de chaque projet. Nous avons déjà des exemples concrets de cette politique. Les data center de Monaco Telecom fonctionnent déjà à énergie décarbonée et sont conçus de façon écoresponsable, la centralisation rendue possible par la création de notre cloud souverain permettrait de réduire entre 25 % et 50 % les émissions de CO2 par rapport aux structures « on premise ». Monaco Cloud vise le « zéro carbone » à horizon 2025 », promet Frédéric Genta.
Vers la sobriété numérique ?
L’étude de l’ADEME met en évidence qu’un des enjeux environne-mentaux majeurs du numérique, outre son empreinte carbone, est la disponibilité des métaux stratégiques et autres ressources utilisées pour la fabrication des terminaux (principalement télévi-seurs, ordinateurs, box internet et smartphones mais aussi objets connectés dont l’impact est grandissant). Un des leviers d’action est la mise en œuvre de politiques de « sobriété numérique », qui commencent par une interrogation sur l’ampleur du développement de nouveaux produits ou services numériques et une réduction ou stabilisation du nombre d’équipements. L’allongement de la durée de vie des terminaux, en développant davantage le reconditionnement et la réparation des équipements est un axe majeur de travail, tout comme la sensibilisation des consommateurs à ces enjeux. De la même manière, afin d’améliorer notamment l’efficacité énergétique, l’écoconception doit être systématisée : pour les terminaux, mais aussi pour l’ensemble des équipements (infrastructures de réseaux et centres de données), ainsi que dans le cadre des modalités de déploiement des réseaux et services numériques. La mise en œuvre de l’ensemble de ces leviers permettrait de réduire l’empreinte environnementale du numérique d’ici à 2030 : jusqu’à -16% pour l’empreinte carbone par rapport à 2020.
Plusieurs mesures ont ainsi été adoptées au sein de l’administration monégasque : mutualisation des imprimantes, dématérialisation des bulletins de paie – et des courriers internes prochainement -, signature du Pacte National pour la transition énergétique par tous les agents et fonctionnaires, mise en place de filières de recyclage dédiées. Suite aux analyses de cycle de vie dans l’Administration, la durée de vie du parc informatique de l’État a été allongé à 5 ans.
« Cette simple mesure entraîne une réduction d’émission de CO2 de 233 tonnes et d’extraction de ressources naturelles, soit l’équivalent de 191 vols allers-retours Paris-New York et de 1 074 voitures ».
https://publicadministration.un.org/egovkb/en-us/Data/Country-In-formation/id/112-Monaco/dataYear/2018
- Il en résulterait des augmentations, entre 2020 et 2030 :
- de l’empreinte carbone du numérique en France : environ + 45% (pour atteindre 25 Mt CO2 eq),
- de la consommation de ressources abiotiques (métaux et minéraux) : + 14 %,
- de la consommation électrique finale en phase d’usage : + 5 % (pour atteindre 54 TWh par an)
Milena RADOMAN