La guerre en Ukraine plombe la croissance. « En cas d’inflation, le modèle d’affaire compte plus que le secteur économique en matière d’investissement », analyse Stefano Torti, directeur Investissements de la Banque Havilland.
Ce début d’année s’est avéré difficile pour les marchés financiers. Quelles sont les principales raisons de cette volatilité des actions ?
Le début de l’année 2022 a été marqué par l’une des rotations d’actions les plus brutales jamais enregistrées. De nombreuses valeurs « de croissance » qui étaient les favorites en 2020 et 2021 ont accusé une forte baisse, en particulier les sociétés technologiques fortement valorisées qui ont bien profité de l’« économie COVID ». À l’inverse, les actions « value » et les secteurs tels que l’énergie, les banques et les valeurs généralement cycliques ont connu un rebond spectaculaire après des valorisations faibles. Cette évolution s’explique en grande partie par la forte hausse de l’inflation réalisée, des anticipations d’inflation et par conséquent des taux d’intérêt et des politiques monétaires.
Comment les investisseurs se positionnent-ils dans un tel environnement ?
Dans un contexte d’inflation élevée, la majorité des gérants d’actifs et des instituts de recherche se concentrent et recommandent d’investir dans des actions ayant un potentiel de croissance, dans des valeurs cycliques par rapport aux valeurs défensives, certains secteurs par rapport à d’autres; même s’il s’agit d’un moyen rapide et en partie efficace de surfer sur la première vague de rotation des marchés, une approche naïve pour investir à long terme dans un scénario d’inflation persistante, à notre avis.
Quelle serait donc l’approche raisonnable à adopter ?
En fin de compte, la seule façon d’évaluer si une action, et donc une entreprise, est capable de prospérer dans un environnement inflation-niste, consiste à examiner son modèle économique, quel que soit le secteur d’activité.
Prenons comme exemple deux fabricants de vêtements et d’acces-soires, l’un vendant des sacs à 50 euros et l’autre à 3 000 euros. Bien qu’ils soient classés tous les deux dans le même secteur , le premier fera probablement face à une faible reconnaissance de sa marque, à une concurrence accrue , à des marges plus faibles, à un canal de distribution non captif et, au final, une « élasticité importante des prix ». Au contraire, le second bénéficiera d’une clientèle fidèle, de marges importantes, d’un canal de distribution captif et d’un prix relativement inélastique. Si, pour ces entreprises, les coûts de transports, salaires et matières premières augmentent, il est clair que l’impact sur les bénéfices ou leur capacité à répercuter l’inflation sur les consommateurs finaux est très différent.
C’est évidemment un exemple simple, mais il existe des parallèles comme celui-ci dans tous les secteurs, mais aussi dans les actions « value » et « growth ». Il est difficile de prévoir la durée de l’inflation, mais lorsqu’il s’agit d’investir de manière sûre à long terme, il est important d’étudier la question de plus près, car les secteurs et les styles peuvent être trompeurs : à long terme, une valeur suivra la performance économique d’une entreprise, et chaque entreprise est différente.
Miléna RADOMAN