La crise sanitaire que nous traversons a perturbé toutes les règles du jeu. Elle a bousculé la vie des entreprises, grandes ou petites, en remettant brutalement en cause des positionnements stratégiques établis et des modes d’organisation du travail.
A Monaco aussi, certaines entreprises ont développé de nouveaux services (vente de protection de plexiglas par des imprimeurs, prise de température par des agents de sécurité), des commerces ont surfé sur la vente en ligne, le retrait-drive ou la livraison à domicile… En clair, il a fallu s’adapter. S’ajuster face à l’urgence et prendre son rythme dans une crise inédite qui perdure. Voici quelques exemples de société qui ont changé leurs habitudes, ont tiré profit de la crise ou se sont carrément lancées dans une nouvelle aventure…
Gordon Blair : un helpdesk pour les entreprises en crise
Pas question de rester les bras ballants. Lorsque la crise sanitaire liée au Coronavirus s’est déclarée à Monaco, Gordon S. Blair Law Offices a mis en place un « helpdesk ». « Au début du premier confinement, nous avons décidé de proposer nos services gratuitement aux entreprises monégasques impactées par la crise, dans un élan solidaire. Nous souhaitions apporter information, conseil et assistance et les aider dans la compréhension et la mise en oeuvre des dispositifs mis en place par le gouvernement », explique David de Pariente, associé chez Gordon Blair, l’une des plus vieilles structures de conseil fiscal et juridique à Monaco.
C’est pourquoi, dès le 21 mars, le cabinet a créé un service en ligne à l’adresse helpdesk@gordonblair.com. « Nous avons proposé aux entreprises monégasques qui avaient des problématiques liées à la crise sanitaire de nous rencontrer afin de les assister. » Si le cabinet n’a pas été assailli par les requêtes, « chacune des entreprises sollicitées a eu une réponse. » Depuis le début de la crise, le cabinet a notamment eu à renégocier des dettes bancaires et des restructurations, conséquences directes de la crise sanitaire
Carlo : l’appli du commerce local
Lancée à l’été 2019, l’application Carlo est devenue incontournable dans bon nombre de commerces monégasques. « Avec notre prototype, on a commencé avec 3 commerçants. Aujourd’hui, 270 entreprises de Monaco et 17.000 consommateurs utilisent Carlo », se réjouit son fondateur Antoine Bahri. Dès le départ, l’objectif de Carlo était de redynamiser le commerce local. « On est parti du constat qu’à Monaco ou ailleurs, les commerçants de proximité sont prêts à accorder 10% de réduction pour attirer et fidéliser une nouvelle clientèle. Notre business model est de rendre ces 10% utiles ! On les redistribue en cashback ou en parrainage, et on touche une petite commission (3%) sur les 10%. » Le client de boutiques partenaires touche en effet un cashback de 5% sur son portefeuille virtuel. « Pour un consommateur désireux d’être responsable dans ses achats, il s’agit d’une monnaie locale », ajoute l’entrepreneur de 35 ans.
Durant la crise, Carlo a parcouru son bonhomme de chemin, devenant l’application officielle du gouvernement pour son plan de relance. Incubée depuis juillet 2020 dans les locaux de Monaco Tech, la jeune start-up de 7 personnes voit grand. Après Monaco, ville pilote, Carlo pense à répliquer le système à Barcelone, Valladolid ou Paris en 2021. Au total, Carlo a permis d’injecter plus de 7,9 millions d’euros dans le commerce local.
Stark : le test salivaire made in Monaco
A la tête de Stark, Riccardo Moffa a du flair. L’entrepreneur avait déjà commercialisé en Europe le Valplast, prothèse dentaire souple, alternative aux implants et bridges, qui cartonnait aux Etats-Unis. En 2018, l’Italien se lance dans la mise au point du premier kit de dépistage du cancer oral. Alors qu’il veut lancer les essais cliniques, « la crise du Covid survient », explique Riccardo Moffa, qui applique alors sa méthode de prélèvement cytosalivaire à la détection des antigènes du virus. « On est immédiatement parti à la chasse des marqueurs du Covid-19. Tout est allé très vite. J’ai déposé le brevet en plein confinement, contacté les autorités. A la DASS, on m’a donné rendez-vous 10 minutes après mon premier mail ! » indique le scientifique italien, vantant la fiabilité de son test mis au point dans son laboratoire de 200 m2 au Park Palace, et désormais dans des usines en Italie et aux Etats-Unis : « Notre brosse de prélèvement cytosalivaire prélève un million de cellules », indique Ricardo Moffa. Commercialisé depuis janvier, ce kit affiche une sensibilité de 100% (capacité à trouver un positif) et une spécificité de 95,97% (pour un négatif).
Le test de Stark est d’ailleurs pris au sérieux à Monaco et fait l’objet d’une étude à grande échelle baptisée Cordage. Menée auprès de 1500 patients volontaires et majeurs, elle permet de comparer la précision diagnostique entre tests PCR et salivaires.
3X Engineering dope sa stratégie digitale
« On n’a pas fait de grand salon international depuis un an et aujourd’hui nous n’avons aucune visibilité sur les prochains, qui sont tous déplacés… » Pour Stanislas Boulet d’Auria, patron de 3X Engineering, changer de stratégie marketing et de communication a été impératif. Fondé en 1990 et leader dans la réparation de canalisations onshore et offshore, destinées au transport des hydrocarbures et du gaz sous pression, sans arrêt de la production, 3X fait 90% de son chiffre d’affaires à l’export. « Dans ce métier du gaz et de l’énergie, ces salons rassurent sur la pérennité, l’establishment de la société et permettent de rencontrer les acteurs du marché.»
Dans le cadre du plan de relance et du Fonds bleu, le dirigeant mise sur la création d’un site internet, et l’embauche d’une community manager. « Internet devient prépondérant. En janvier, nous avons par exemple renforcé notre communication sur les réseaux sociaux sur (Youtube, LinkedIn, etc.) et ça paye. La fréquentation du site est dopée (+30% croissance). » Le Fonds bleu a déjà débloqué 2,5 millions d’euros pour financer des investissements pour la transformation numérique des entreprises, et plus de 100 emplois ont été créés.
Monaki ou la mode des « cuisines fantômes »
C’est l’une des tendances du moment en restauration : nées en outre-Atlantique, les «ghost kitchens » ou « cuisines fantômes » explosent depuis le début de la crise. En Principauté, Monaki fait partie de ce mouvement des établissements basé sur la livraison ou la vente à emporter. La crise a juste retardé un peu son ouverture… Ce bar à sushis ouvert en partenariat par Anthony Bertolotto et Laurent Marchese, qui devait ouvrir ses portes en mars 2020, a finalement démarré son activité en janvier 2021, 7 jours sur 7. « Le téléphone a sonné dès le premier jour et aujourd’hui on assure 50 commandes par jour en moyenne pour une clientèle à 85% locale. La crise n’impacte pas le positionnement que l’on avait choisi », analyse Laurent Marchese, ancien propriétaire de Salad’In, le premier bar à salade de Monaco. « On arrive au bon moment pour renouveler l’offre de sushis, en proposant des plats signatures préparés par 3 sushimen », ajoute Anthony Bertolotto, qui a créé le pôle sushis à Carrefour Monaco. L’aventure marche si bien que le duo compte ajouter un nouveau concept à l’été 2021 : Monarolls. Au menu : « des salades nomades » concoctées sous forme de rouleaux de printemps.