En plein cœur de Monte-Carlo, le Schuylkill subit une réhabilitation complète. A la manœuvre de ce chantier de 180 millions d’euros : sa propriétaire Sylvia Ratkowski-Pastor, petite-fille Gildo Pastor, qui avait érigé le premier IGH de Monaco en hommage à la princesse Grace…
« L’opération est une grande première ! C’est une rénovation très complexe sur le premier IGH (immeuble de grande hauteur) de la Principauté, en site occupé en plein cœur du Carré d’Or, et ce, dans un temps record », résume François Lallemand, qui gère la rénovation du Schuylkill, en étroite collaboration avec le cabinet Zaha Hadid (sa fondatrice aujourd’hui décédée est la première lauréate du prix Pritzker). L’objectif est triple : rendre cette tour de 17 étages plus sécure (anti-sismique), plus écologique et finaliser son identité visuelle. « Ce sera le plus bel immeuble de Monaco », promet l’architecte.
La Princesse Grace, marraine de l’immeuble
Pour sa propriétaire Sylvia Ratkowski-Pastor, Présidente-Déléguée de la SAM Société immobilière du Soleil, pas question de détruire pour reconstruire. Son grand-père Gildo Pastor a bâti le Schuylkill en 1963, en hommage à la Princesse Grace. Cette dernière était d’ailleurs la marraine de cette tour qui porte le nom de la rivière traversant Philadelphie, où elle naquit. « Je voulais garder l’âme de mon grand-père et le béton utilisé est de grande qualité, fabriqué avec du sable de la Roya », explique l’héritière de Gildo Pastor, qui se souvient avoir, enfant, arpenté les chantiers à ses côtés. « J’ai vécu chez lui, je me cachais pendant des heures sous son bureau… Je me rappelle parfaitement le voir examiner ses plans format draps de lit gigantesques, et ses calques bardés de rouge. Le bureau était empli de fumée de cigarettes, lors des réunions avec ses chefs de chantiers », raconte Sylvia Ratkowski-Pastor, en souriant. Bercée de ces constructions, elle reproduit aujourd’hui le schéma familial, après une première expérience avec sa mère et son frère pour édifier le Gildo Pastor Center. « Mon grand-père testait à la maison les fenêtres qui allaient être posées dans ses immeubles qu’il appelait ses « bébés ». Je fais pareil aujourd’hui avec le Shuylkill… Le BTP, c’est dans notre ADN », confie cette femme d’affaires très discrète, qui a choisi de rénover pour des questions écologiques : « Produire ou détruire du béton, c’est ce qu’il y a de plus polluant. Je veux proposer une autre approche… »
Techniquement, « chaque bloc va être curé de fond en comble. On va revenir au béton brut, au squelette de l’immeuble. Tout va être refait et consolidé : les réseaux, les isolations phonique et thermique, l’intérieur du bâti comme la façade extérieure, l’accessibilité PMR », explique François Lallemand. L’un des challenges du chantier est de « couper la tête » de l’immeuble pour respecter les normes parasismiques. Les trois blocs seront clippés et solidarisés au 14e étage pour « faire un monolithe ». Seuls les trois étages supérieurs seront détruits et reconstruits, pour accueillir trois luxueux duplex de 450 m2. « Comme un clin d’œil à la princesse Grace, on utilisera des structures en fer à l’américaine… »
Durant cette phase de 12 mois (sur un chantier de 40 mois), l’immeuble sera totalement vidé. Avant que les locataires réintègrent leurs appartements fraichement rénovés, et que les blocs soient finalisés entre avril et juin 2027. « Pour le moment, les clients suivent les étapes du chantier et m’envoient des photos de leur balcon », souffle Sylvia Ratkowski. « On a travaillé avec des normes antibruit anti-poussières dans la limite du possible… Il y a quand même des nuisances », reconnaît la propriétaire, heureuse de la fidélité de ses locataires. « Certaines familles sont là depuis l’origine ! » Ils bénéficieront de tarifs privilégiés lors de la hausse des loyers du nouveau Schuylkill.
Raccordement à la boucle thalassothermique
Le chantier, qui accueillera jusqu’à 300 ouvriers, bénéficie d’une certification Bâtiments Durables Méditerranéens de Monaco (BD2M) niveau argent. Exit le chauffage au fioul. « Nous avons demandé de nous raccorder à la boucle thalassothermique, ce qui n’était pas prévu initialement par l’État. Nous avons récupéré la connexion sous le Fairmont et la boucle arrive dans la sous-station du parking de la Costa avant de remonter boulevard de Suisse… Les autres immeubles vont en profiter. C’est presque un financement public-privé », explique Sylvia Ratkowski-Pastor qui s’est entretenue avec des scientifiques du GIEC pour travailler sur les scénarios de température et choisir des matériaux résistant au réchauffement climatique.
Autre innovation environnementale : le Schuylkill recyclera les eaux grises des douches et de la piscine pour les réinjecter dans les chasses d’eau des toilettes. « Cette eau recyclée nous servira aussi à arroser les jardins et laver les parties communes. On est en train de négocier avec la SMA pour leur fournir de l’eau. Une première pour un bâtiment collectif, gérée par la société FGWRS, que préside également l’héritière Pastor. « Ce type de rénovation signe le renouveau de Monaco, montre le potentiel de tous ces immeubles anciens qui doivent être remis aux normes », note François Lallemand. Même si ces chantiers ont un coût : la rénovation du Schuylkill devrait coûter 180 millions d’euros…
