Aujourd’hui comme demain, le savoir devra toujours être remis en question car il est en perpétuelle évolution. C’est la conviction de Jean-Philippe Muller, le Directeur Général de l’International University of Monaco depuis 2013.
Que vous a appris la crise du Covid-19 ? Au-delà de l’enseignement en distanciel, quelles autres grandes évolutions de la pédagogie prévoyez-vous dans les années à venir ?
La crise du Covid a généré plusieurs prises de conscience en ce qui concerne les méthodes d’apprentissage et les préférences des étudiants. Elle a entraîné des évolutions majeures qui ont impacté le mode de fonctionnement de l’université.
En effet, la première grande évolution est la mise en place de pratiques, d’usages et d’outils qui nous ont permis de tester puis de généraliser le « distant teaching ». Dix années de travail de modernisation dans ce domaine ont été effectués en l’espace de quelques mois. En raison de la crise, nous avons réalisé des progrès rapides et obligatoires. Dans un second temps, c’est notre appréciation du travail en distanciel qui a changé. Nous en avons compris les limites et l’importance de l’apprentissage en classe, lieu de prédilection pour les interactions avec les professeurs. Pour autant, nous avons également pris conscience des bienfaits de l’enseignement asynchrone et de la mise à disposition pour les étudiants de ressources en ligne.
En effet, à l’IUM, 4/5 des contenus sont enseignés en classe et 1/5 est proposé en mode « Active Learning » à l’aide de technologies asynchrones et en ligne. Cela permet une personnalisation de l’apprentissage pour chaque étudiant.
Comment imaginez-vous l’enseignement universitaire et la notion même de savoir en 2050 ?
L’enseignement de demain sera un enseignement sur mesure qui com-binera habilement savoir basique et savoir spécifique, défini en fonction des projets et du profil de chacun. On peut imaginer des spécialisations via des cours en ligne de courte durée permettant de personnaliser son apprentissage. L’enseignement du futur sera également transversal : un mélange de savoir être et de savoir-faire. Ainsi, on pourrait par exemple, introduire des cours de technologies dans le cursus de nos étudiants en management. Nous avons d’ailleurs le projet de proposer prochainement à IUM un track « Digital Business Development » au sein de notre pro-gramme Bachelor, en collaboration avec une école d’ingénieurs. L’étudiant de demain, quant à lui devra être un vrai acteur de l’acquisition du savoir. Il devra apprendre à chercher et trouver les éléments de connaissance nécessaires à la résolution des problèmes posés.
Enfin, aujourd’hui comme demain, le savoir devra toujours être remis en question car il est en perpétuelle évolution. Il faut donc être en mesure de se remettre en question, se challenger pour continuer à apprendre tout au long de la vie. Pourquoi ne pas proposer des formations courtes pour nos diplômés afin qu’ils restent à la pointe de l’actualité de leurs industries respectives ?
Vos spécialités actuelles sont : Global Business, Communication & Event Management, Luxury, Marketing Sales and Services, Sport Business Management, International Finance. Quelles évolutions majeures dans chaque secteur pressentez-vous dans les prochaines décennies ? Et quelles évolutions des enseignements donnés à l’IUM en découleront?
Dans tous nos domaines de spécialisations, nous envisageons que le digital prendra une place de plus en plus importante.
Que ce soit dans la communication et la gestion d’événement (pour laquelle de nombreux outils online sont aujourd’hui disponibles) ou bien dans le domaine du sales & marketing, les étudiants doivent aujourd’hui être en mesure de manier habilement les éléments digitaux mis à leur disposition en vue d’une interaction optimale avec les utilisateurs ou clients. D’autre part, dans le secteur du luxe, l’intérêt principal se situera autour de l’expérience client bien plus que sur le produit ou le service lui-même.
Il est donc crucial pour nos étudiants de s’intéresser au ressenti du client, de l’achat jusqu’à la consommation du produit ou service de luxe. Il s’agit là de la clé pour fidéliser la très exigeante clientèle de cette industrie. Une autre évolution importante sera celle du sport qui tient d’ores-et-déjà une place de plus en plus prépondérante notamment dans sa dimension évènementielle et les services qui y sont associés. Nous voyons des synergies intéressantes entre la mise en scène de l’évènementiel sportif et celle de l’hôtellerie de luxe.
Enfin, dans le domaine de la finance, il nous faudra nous questionner de plus en plus sur son sens, son impact sociétal et intégrer ces notions dans les formations proposées aux futurs professionnels du domaine. Ceci passe aussi par une élévation importante des compétences nécessaires dans des domaines tels que la « compliance » ou le « wealth planning ». A l’IUM, toutes ces notions seront naturellement intégrées aux cours et nos étudiants auront la possibilité de les confronter à la réalité à l’occasion des événements auxquels ils participent déjà à ce jour (Grand Prix de F1, Sportel, Luxepack…).
L’idée principale est de réduire la frontière entre salle de classe et monde de travail. Nos étudiants devront être en phase avec ce que les entreprises recherchent. Ils sont ainsi invités à participer à des activités/challenges dans le domaine du développement durable, comme The Mark Challenge ou bien encore le Monaco Ocean Protection Challenge. En cours, ils sont très souvent invités à mener une réflexion sur ces sujets à fort impact sociétal.
D’autre part, nous continuerons à encourager l’esprit d’entreprise chez nos étudiants. Les attentes des clients de demain sont différentes de celles que nous constatons aujourd’hui. La technologie a grandement évolué sur les 2 dernières décennies et nous devons aider nos étudiants à reconnaître et saisir les opportunités issues de ces changements sociétaux importants.
La place financière monégasque reste un poids lourd de l’économie monégasque. Quelles évolutions voyez-vous pour votre formation en alternance Monaco Banking and Financial Services ? Vers les fintech ou les crypto ?
Nous sommes très fiers de contribuer à l’activité économique du secteur financier. Deux tiers de nos étudiants en finance effectuent d’ailleurs leur stage en Principauté.
Forts de notre expérience sur le programme Bachelor in Finance « Monaco Banking and Financial Services », nous avons créé il y a 3 ans un Master in Finance « Corporate Banking & Financial Institutions » en alternance, en partenariat avec le Service de l’Emploi monégasque. Dans ce programme, comme dans toutes nos spécialités finance, les fintech doivent être abordées car il s’agit d’un secteur qui se développe de plus en plus au niveau international.
De même, les notions ESG, piliers de l’investissement responsable et du développement durable sont très importantes pour les futurs pro-fessionnels du secteur. Ils doivent les connaître pour être en mesure de les mettre en pratique tout au long de leur parcours professionnel. La nouvelle génération qui accède à des patrimoines attend aujourd’hui qu’on lui propose des placements financiers et des investissements différents de ceux offerts à ses aînés. Il est donc primordial pour nous de préparer les futurs professionnels de la finance pour qu’ils sachent conseiller au mieux et en fonction des nouveaux enjeux, ces personnes au patrimoine important. Là aussi le digital et les nouveaux modes d’interaction avec les clients des institutions financières représentent certainement une tendance pour le futur. Nous voulons que nos étudiants maîtrisent ces nouvelles approches mais il est certainement également nécessaire de proposer des possibilités de formations pour les professionnels en place afin de les accompagner face à ces évolutions.
Miléna RADOMAN