A Monaco, le secteur du Yachting représente plus de 700 millions d’euros de chiffre d’affaires, 252 entreprises basées en Principauté et 1561 emplois à terre. Le port monégasque abrite 37 des 100 plus grands yachts privés au monde… Edouard Mousny, spécialisé dans le droit maritime chez Gordon S. Blair et vice-président du Monaco Yachting Cluster, explique comment Monaco peut développer un pavillon plus attractif.
Les nouveaux résidents monégasques recherchent-ils souvent un yacht? Plutôt en acquisition ou en location?
C’est totalement habituel. Nos clients sont souvent déjà armateurs (pro-priétaires d’un bateau) ou en train de le devenir. Notre cabinet intervient principalement sur des opérations de construction et d’acquisition princi-palement pour des navires à moteur de chantiers italiens et d’Europe du Nord de 30/35 m à plus de 70 m. Nous anticipons un accroissement de la demande pour des navires de moins de 24 m en raison des différents arrêtés pris en France l’an passé limitant l’accès au mouillage des navires d’une taille supérieure. Certains armateurs vont donc se doter de navires plus petits pour pouvoir continuer à mouiller dans les eaux territoriales.
Le droit monégasque est-il intéressant pour l’acquisition de yachts?
Cela dépend du pourquoi on considère qu’un pavillon est ou non intéres-sant. Le pavillon monégasque est l’inverse d’un pavillon de complaisance puisqu’il faut absolument un lien de rattachement avec Monaco pour l’obtenir. Il ne présente donc aucun intérêt pour un armateur non résident qui n’y est pas éligible. En revanche, s’agissant des résidents, la question se pose ne serait-ce que parce que nous sommes dans un monde où la substance a de plus en plus d’importance et qu’il est paradoxal d’exiger de leur part une consolidation de leurs avoirs en Principauté et de mettre de côté un actif d’une valeur généralement aussi importante qu’un yacht. Cette seule circonstance rend le pavillon monégasque intéressant. A cela s’ajoute le fait qu’il s’agit d’un des seuls pavillons mixtes avec les Îles Marshall et Caïman qui permettent à un navire privé d’être charterisé pendant trois mois par an. En réalité, le principal sujet du pavillon monégasque et le frein à son développement tient à la réglementation sociale en Principauté qui n’est pas du tout adaptée au travail en mer.
En quoi le pavillon de Monaco peut devenir plus attractif?
Monaco fonctionne avec des instruments juridiques datant des années 1960. Or le secteur du yachting a évolué. Même la France s’est adaptée. Si l’on compare à un autre pavillon comme le pavillon maltais, les coûts de la protection sociale en Principauté pour une couverture équivalente – c’est important de le préciser- sont par ailleurs prohibitifs (à Malte, les charge sociales armateur sont d’environ 45 euros/semaine/personne). Cela étant, je ne pense pas que les armateurs attendent un alignement en la matière (Malte bénéficie des accords entre Etats Membres de l’Union Européenne qui lui permettent d’offrir à moindre coût une protection assez globale y compris sur le volet chômage) mais un ajustement apparaît nécessaire. Il faudrait, je pense, s’inspirer de ce qui a été fait en la matière par la France avec le Pavillon RIF. A Monaco, les marins sont traités comme le personnel à terre. Or, dans une transatlantique, on ne peut pas donner les mêmes horaires de travail que dans un bureau. Si un capitaine décide de débarquer en cours de croisière, il est impératif d’en trouver un autre sans délai et donc sans passer par les autorisations d’embauches monégasques classiques, etc. Heureusement, la direction des affaires maritimes fait un travail remar-quable à cet égard et aide les armateurs à contourner les difficultés. Comme souvent à Monaco, la qualité des rapports avec l’administration et son accessibilité (comparé à ce qui peut se passer par ailleurs) sont en soi un facteur d’attractivité. Reste qu’il faut indiscutablement faire évoluer le régime actuel pour le rendre plus compétitif et surtout plus adapté à la réalité du monde maritime d’aujourd’hui (qui n’est évidemment plus celle des années 60). Ce n’est certes pas simple: le maritime est un sujet complexe et pluridisciplinaire. Mais je pense que c’est le bon moment: la France et plus généralement les instances européennes ne peuvent voir que d’un très bon œil le développement d’une flotte monégasque, qui va dans le sens d’une « onshorisation » des intérêts des armateurs.
Le régime monégasque permet-il d’échapper à la TVA européenne, comme on a pu l’entendre?
Non. La situation en Principauté n’est à cet égard ni meilleure ni pire que dans l’Union Européenne. Les solutions d’optimisation qui existent en Principauté reposent sur le même corpus de règle que celles en vigueur dans l’Union – à savoir essentiellement le leasing dont les avantages dé-pendent à cet égard de la présence dans les eaux européennes du navire et les mécanismes de report qui ont trait à la destination du navire et son affectation commerciale ou privée.
Quelles sont les demandes de vos clients?
Le spectre des sujets traités est large et va de l’acquisition et de la struc-turation de la détention au régime des équipages. C’est une matière où il n’y a pas de solution toute faite. Un armateur qui fait du cabotage dans la région, avec trois marins, n’aura pas les mêmes besoins que le propriétaire d’un yacht de 80 m avec un équipage de plus de 20 personnes à bord qui fait le tour du monde…
Miléna RADOMAN